Affiche placée par un.e patient.e anonyme sur la porte d’entrée du cabinet Delaire et Hennaux, à Moustier-sur-Sambre.

[19 mai 2025]

Aujourd’hui, c’est la Journée Mondiale du Médecin Généraliste, la star des soins de santé !

Flash-info 29/25, publié le 19/05/2025

En ce 19 mai 2025, Journée Mondiale du Médecin Généraliste, le GBO/Cartel tient à rappeler et saluer avec force et conviction le rôle essentiel des médecins généralistes, véritables piliers de notre système de soins.

Alors que notre système de santé traverse une période de tensions et d’arbitrages complexes, le GBO/Cartel souhaite réaffirmer ce qu’il martèle depuis toujours : le médecin généraliste est la pierre angulaire d’un système de soins efficace, humain et durable, tant au niveau économique qu’écologique.

Oui, les médecins généralistes sont les stars des soins de santé. Non pas parce qu’ils brillent sous les projecteurs, mais parce qu’ils illuminent chaque jour le chemin des patients, avec dévouement, humilité et compétence.

En ce 19 mai, nous vous rendons hommage, et renouvelons notre engagement à défendre le rôle central du médecin généraliste dans un système de santé équilibré, solidaire et accessible à tous. Le GBO/Cartel y veillera. Avec détermination.

Laissons la parole à certains de nos représentants, des généralistes comme vous, qui se sont résolument engagés dans la représentation et la défense syndicale de leurs collègues.

Le médecin généraliste, cette star trop discrète

  Dr Lawrence Cuvelier

Dans une société qui célèbre volontiers la technologie, l’innovation de pointe et les prouesses médicales, il est parfois facile d’oublier que les médecins généralistes accomplissent, chaque jour, une mission fondamentalement irremplaçable et sont à la croisée de tous les chemins : prévention, éducation à la santé, soins curatifs, soins palliatifs. Soins planifiables, soins non panifiables, soins urgents.

Comme l’exprime si justement le Dr Florian Stigler, les médecins généralistes sont pourtant les « stars silencieuses » (1) de la médecine moderne : ils améliorent la santé publique, allongent l’espérance de vie, réduisent les hospitalisations, privilégient la prévention, prennent en charge les maladies chroniques, réduisent les inégalités et les coûts, et surtout, ils tissent une relation humaine et durable avec leurs patients.

Ils accompagnent les patients tout au long de leur vie, sont présents dans les crises sanitaires comme dans le quotidien ordinaire. Ils accueillent l’urgence comme le chronique, l’individuel comme le familial, toujours dans la proximité et l’humanité. De nombreuses études prouvent leur utilité dans la diminution du recours inutile iatrogène et coûteux aux soins spécialisés.

Et pourtant, le travail essentiel du médecin généralise reste sous-estimé, sous-financé, parfois fragilisé.

Le GBO/Cartel se réjouit de constater que les lignes semblent enfin bouger et qu’un changement de paradigme révolutionnaire est en train de s’opérer au sein de l’INAMI. Alors qu’on observait jusqu’ici un déséquilibre de financement entre la 1re et les 2e et 3e lignes de soins (au désavantage de la 1re), les 5 objectifs des soins de santé 2025-2030(2) qui viennent d’être adoptés par le Conseil Général de l’INAMI (et qui guideront l’action fédérale pour la législature 2025-2030), mettent clairement l’accent sur la 1re ligne, la prévention et l’accessibilité. Ainsi, pour Mickaël Daubie, directeur général du service Soins de santé de l’INAMI, « ce n’est pas une mise à l’écart des hôpitaux, mais un rééquilibrage. Renforcer la 1re ligne c’est aussi préserver la 2e ligne. ».

Le GBO/Cartel aurait-il été enfin entendu ? Affaire à suivre mais nous y voyons en tous cas une occasion unique de faire avancer nos priorités pour la médecine générale… et nous ne manquerons pas de nous y employer avec détermination !

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(1) 8 Reasons Why Family Physicians are the Actual Stars of Medicine, Florian Stigler (MD, DrPH, MPH)
(2) Objectifs en matière de soins de santé : avis de la Commission COSS

Médecine générale : Soin, colère et résistance dans un monde qui vacille

   Dre Amélie Cuvelier

En cette journée mondiale de la Médecine Générale, il ne s’agit pas de célébrer un métier, mais de prendre un moment pour regarder en face les réalités actuelles du terrain. Être médecin généraliste en 2025, c’est beaucoup plus que soigner : c’est observer le monde, le décoder, et tenter de réparer ce qui est réparable. Nous vivons dans une société sous tension. Nos patients s’appauvrissent, le tissu social se délite et nos collègues de première ligne s’épuisent (infirmiers, assistants sociaux, médecins généralistes,…). Nous sommes les témoins directs de la souffrance économique, de l’angoisse climatique, des violences sociales, familiales et systémiques. Nous écoutons, nous tenons, nous pansons. Parfois, nous craquons.

Mais nous sommes surtout en colère. Une colère qui n’est pas une faille, mais une ressource. Elle dit notre refus de normaliser l’inacceptable : les inégalités de santé, le racisme institutionnel, les violences patriarcales, la destruction du vivant, la marchandisation du soin. Elle dit aussi notre refus de continuer à sacrifier notre temps, notre santé mentale, notre vie privée pour faire tenir un système qui s’effondre.

Alors, comment continuer à soigner sans se perdre ? Comment rester debout quand le monde vacille… à Gaza, en Ukraine, au Congo, mais aussi ici, dans les quartiers oubliés, dans les déserts médicaux, dans les cabinets débordés ? Comment pratiquer une médecine qui ne se contente pas de colmater, mais qui interroge les causes des blessures ?

Nous voulons une médecine qui ait le temps. Le temps d’écouter. Le temps de comprendre. Le temps de transmettre. Le temps d’apprendre. Une médecine qui assume d’être politique. Qui ne prétend pas à la neutralité, mais qui s’engage pour la justice sociale, pour l’égalité, pour l’émancipation des patients. Une médecine qui ne traite pas seulement des pathologies, mais aussi des conditions de vie qui les causent.

Alors luttons ensemble, maintenant, en tentant de maintenir l’équilibre entre joie et colère dans ce monde qui vacille.

Résister à la démission silencieuse

 Dre Anne Gillet

La démission silencieuse guette particulièrement les soignants : subir, ne plus investir, perdre notre créativité dans nos consultations, redouter les patients les plus difficiles. C’est un réel danger pour nos démocraties face aux grands défis à venir. Notre capacité à faire face au stress risque d’être dépassée par une combinaison de facteurs qui s’accumulent : manque de personnel, ressources inadéquates, modèles de soins inappropriés, prédominance des considérations financières sur les exigences de soins, déconsidération morale des prestataires, injonctions paradoxales de la part des pouvoirs publics.

Comment encore accueillir en consultation, malgré la saturation ? Et comment accueillir particulièrement ceux qui s’accordent mal aux systèmes établis, qu’ils soient d’ici ou venus d’ailleurs ? Particulièrement les patients les plus vulnérables ?

S’investir dans le syndicalisme médical, c’est bien plus que négocier des accords tarifaires suffisamment avantageux que pour permettre à un maximum de collègues de rester au sein de la convention. C’est aussi convaincre nos autorités de mettre tout en œuvre pour remédier aux causes de la démission silencieuse qui nous guette.

Aux armes, Omnipraticiens !

  Dr Paul De Munck

« L’avenir de la médecine générale repose sur une approche collaborative et proactive. Les médecins généralistes devront s’adapter aux évolutions sociales tout en conservant leur rôle d’écoute et de proximité. Leur capacité à s’appuyer sur les technologies tout en préservant la dimension humaine du soin sera essentielle à leur succès.

En conclusion, la médecine générale est à un tournant crucial. En embrassant les innovations tout en affrontant les défis actuels, elle peut continuer à offrir un service indispensable à la santé publique. Ce métier, qui est bien plus qu’une simple pratique de soin, est une vocation qui exige adaptation, résilience et vision pour répondre aux besoins de la société dans les décennies à venir. » (1)

A l’heure où la MG doute parfois de son avenir et doit faire face à une demande des citoyens qui dépasse largement l’offre, de nombreuses initiatives nous proposent des référentiels métier comme celui de la Wonca(2) de 2023 ou tout récemment celui réalisé par le Collège de Médecine Générale français(3).

La cellule « responsabilité sociale » du Centre Académique de Médecine Générale de l’UCl œuvre depuis plusieurs années avec des collègues du Réseau international de responsabilité sociale en santé pour développer et diffuser le concept de « responsabilité sociale en santé »(4) et un référentiel en responsabilité sociale en santé sera bientôt diffusé.

On le voit, les outils développés et les réflexions au sein de la MG sont d’une richesse incroyable. Et les prises de position ne sont pas en reste, comme la dernière carte blanche de la SSMG(5), contre le manque de décision dans la lutte contre les pesticides, cosignée par plusieurs milliers de médecins.

Mais ce qui nous manque cruellement, à nous MG francophones, c’est une volonté plus déterminée d’unir nos forces dans le respect des compétences et missions respectives des organisations qui composent notre honorable Collège de médecine générale. Ce qui nous affaiblit dans le dialogue politique, c’est aussi et surtout le manque d’effectifs pour représenter la MG partout où il le faut.

J’en appelle à un sursaut des MG francophones, toutes classes d’âge confondues, afin de venir nous rejoindre pour poursuivre notre combat commencé il y a 60 ans déjà (!) car la défense des valeurs qui nous réunit n’est jamais acquise !

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(1) Extrait de la réponse de Copilot (IA Microsoft Ofice) lorsqu’on le questionne sur « avenir de la MG ».
(2) https://www.woncaeurope.org/kb/european-definition-gp-fm-2023
(3) Profession médecine générale Référentiel professionnel de la médecine générale, CMGf, Mars 2025.
(4) Pratiquer la responsabilité sociale en santé : de la théorie à la pratique
(5) Nous ne pouvons accepter que la santé soit sacrifiée sur l’autel de la prospérité de l’industrie agro-alimentaire et chimique, Avril 2025

Le temps, notre premier outil

    Dre Anne Gillet

Il est indispensable de protéger les conditions indispensables à la préservation de la qualité de nos consultations. Ces contacts dont les patients peuvent repartir le cœur plus confiant, l’esprit plus libre.

Qu’ils aient pu s’y appuyer un temps, le temps qu’il faut pour se confier à un pouvoir scientifique compétent et libéral.

Le temps qu’il faut pour négocier, interagir, participer, décider, consentir.

Un temps pour reprendre haleine, pour confier ce qui ne se dira jamais ailleurs, dans ces silences qui en disent long, par ces vérités révélées à demi-mot.

Ces consultations où le lien s’élabore, où les petites questions, sans prétendre à rien, mènent aux grandes, où notre présence fait du moment un moment suspendu, compétent, respectueux, arraché à l’effervescence du monde. (librement inspiré par J. Benameur)

Ces consultations où nous sommes attentifs à faire surgir l’individu, là où il n’y a plus assez d’individu, le collectif là où il n’y a plus assez de collectif.

Oui, le temps, notre premier outil, singulièrement si peu valorisé par les tarifs de la convention médico-mutualiste. Ce temps particulièrement menacé par la pénurie des soignants.

Les multiples visages du médecin généraliste

  Dre Pascaline d’Otreppe

Tout le monde sait ce qu’est un médecin généraliste. Et pourtant, quand nous cherchons à défendre notre métier, nous avons du mal à définir ce qu’est un généraliste.

Et si la réponse se trouvait du côté de nos patients ? Nos patients ont des visages, des besoins, des réalités différents. Leur état de santé dépend de nombreux déterminants autres que le bio-médical. Le visage du MG est donc multiple.

Le MG actuel travaille en solo, en réseau, en pratique de groupe mono- ou pluri disciplinaire.

Le MG actuel travaille 10h par jour (par choix ou par nécessité, pénurie et épidémies obligent) ou à temps partiel, pour tenter de préserver un équilibre entre vie privée et vie professionnelle.

Le MG actuel choisi son type de financement, à l’acte, au forfait ou en New Deal.

Le MG actuel travaille dans son cabinet, à l’ONE, à la médecine scolaire, en centre Fedasil, à la prison, dans des résidences, …

Le MG actuel travaille en ville ou à la campagne.

Cette multiplicité de visages est une réalité et est liée au cœur même de notre métier : nous soignons des individus dont le visage est multiple.

Défendre les médecins généralistes, c’est donc défendre tous ces MG, avec leurs multiples visages. Avec un objectif : augmenter l’accessibilité à la santé pour tous.

Défendre les médecins généralistes, c’est également ne pas oublier que tous ces MG s’inscrivent dans un modèle de santé publique où le MG est en interaction avec d’autres professionnels.

Garantir l’accessibilité à la santé pour tous dans le contexte actuel de pénurie, c’est envisager ces collaborations avec ces autres professionnels de façon constructive.

Garantir un accès robuste à la santé, c’est réfléchir la place prépondérante de la prévention, garante de l’efficience de notre modèle de soins pour diminuer une surconsommation des soins inappropriés.

Le plus vieux métier du monde où le généraliste, cocktail unique d’amour et de science, parle d’or

   Dr Pierre Drielsma

Depuis le miracle grec, marquant la séparation(1) de la science/philosophie et de la religion, avec les résultats intellectuels concernant les connaissances que nous savons, et surtout depuis la révolution médicale du 19e siècle, la science est la garantie du sérieux de la médecine, de sa validité fonctionnelle. La médecine générale actuelle permet d’allier la médecine objectivable et la médecine relationnelle qui doivent se pratiquer intensément de concert. À aucun moment nous ne pouvons lâcher la science (et la science nous lâcher) dans le cadre de la relation thérapeutique.

Armé donc de la science qu’il a été obligé d’assimiler lors de très longues études, le généraliste parle d’or. Et cette parole, garantie par la science, est la « bombe atomique » de la médecine générale. Comment une parole « scientifique » prend-elle tant de pouvoir ? Dans la médecine relationnelle, la science n’est pas devant, elle est derrière. Derrière l’Amour, l’empathie, la compassion, la tendresse…. Appelez cela comme vous voulez, c’est la traduction impossible de l’agapè grecque (agaph), que les premiers chrétiens avaient traduit par charité (Caritas), terme devenu parfaitement inutilisable.

Souvenez-vous de l’expérience d’Harlow(2) où le bébé macaque séparé de sa mère choisit de se lover contre une poupée au corps en tissu éponge plutôt que la poupée de grillage, pourtant dotée d’un généreux biberon de lait tiède, et ne quitte la mère de tissu que pour aller se nourrir sur le grillage. Cette expérience démontre que le plus important pour le bébé (singe, mais humain aussi), c’est le contact affectueux avec sa mère (ou un substitut crédible).

Quand un être humain est dans la détresse, il va d’abord chercher une réassurance. C’est notre science qui nous permet de convaincre sa rationalité, mais c’est notre Amour qui va rassurer sa peur. Le généraliste c’est ce cocktail unique d’amour et de science. Au-dessus de lui, dans la pyramide de soins, il y a (en général(3)) plus de science mais (un peu) moins d’amour. En dessous, il y a souvent énormément d’amour mais (un peu) moins de science(4).

Nous sommes souvent contents mais fourbus après une grosse consultation où nous avons écouté attentivement et amicalement les patients. De même, nous avons cherché la solution médicale (scientifique) la plus opportune ou référé vers plus compétent que nous.

Et même s’il n’y a pas de solution scientifique à la plainte, comme dans les soins palliatifs, notre compassion reste puissamment thérapeutique, elle diminue le regret de quitter ce monde.

Oh bien sûr, nous ne faisons pas de miracle. Mais régulièrement, modestement, nous faisons des miraculets …. Le patient nous paye d’affection, assez souvent et cela nous soigne aussi de nos fêlures…

Je ne sais donc si c’est le plus vieux métier du monde, mais c’est certainement un des plus beaux

Bonne fête à toutes et tous les Médecins généralistes, médecins de famille et apparentés…

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(1) Cette séparation a eu également des effets néfastes mais on n’a pas fait mieux depuis lors sur le plan strict des connaissances.
(2) Psychologie encyclopédie de la pléiade, pp 204, et Voir ce nom sur wikipedia
(3) J’ai connu un grand monsieur, gynécologue, excellent accoucheur et chirurgien, plein d’un amour infini pour ses patientes, il est allé en prison par amour pour celles qui ne pouvaient mener à bien leur grossesse non désirée. Il s’appelait Willy PEERS.  Mais c’est une chance exceptionnelle de rencontrer de tels saints laïques.
(4) Je ne voudrais pas qu’on pense que le généraliste est intrinsèquement meilleur, c’est juste sa position stratégique que j’essaie de définir. Un MG peut aussi être un ignare et un mufle, je crains cependant que sa salle d’attente sera quasi déserte.