
Budget de l’assurance soins de santé 2026 validé par le Conseil Général. Et maintenant ?
Flash-info 62/25, publié le 28/10/2025
Rejeté par le Comité de l’Assurance mais validé par le Conseil Général (où les représentants des prestataires de soins n’ont pas voix au chapitre), le budget 2026 de l’assurance soins de santé soulève de vives inquiétudes. Ce passage en force, alors que les médecins dénoncent des économies disproportionnées et fixées arbitrairement, met à mal la concertation, d’autant plus que démarrent les négociations en vue d’un nouvel accord médico-mut.
Une proposition budgétaire rejetée au Comité de l’Assurance …
Comme vous le savez (cf. notre Flash-info Proposition budgétaire 2026 rejetée par le Comité d’assurance), le budget global de l’assurance soins de santé pour 2026 avait été rejeté le 06/10/25 par le Comité de l’assurance (1) de l’INAMI. Cette proposition budgétaire reposait quasi intégralement sur la lettre de mission du gouvernement, qui plantait non seulement le cadre budgétaire mais orientait précisément la mise en œuvre concrète des économies exigées.
Sur les 247 millions d’économies demandées à l’ensemble des prestataires de soins, 150 millions ont été attribués aux médecins (soit plus de 60% !), un montant fixé de manière arbitraire et qu’aucun argument n’est jamais venu justifier, malgré notre insistance.
Si plusieurs propositions d’économies ont été mises sur la table lors des négociations menées avec les organismes assureurs (2), aucune discussion n’a été menée sur la possibilité de partager l’effort avec d’autres lignes budgétaires comme, e.a., les soins transversaux qui immobilisent un budget conséquent sans réaliser les objectifs complets qui leur sont assignés.
Quoi qu’il en soit, les organismes assureurs ayant refusé de reconsidérer le montant de 150 millions d’économies fixé pour les médecins dans la lettre de mission, les syndicats médicaux ont unanimement refusé de valider une proposition budgétaire basée sur un montant fixé arbitrairement et sans aucun argument justifiant la disproportion de l’effort d’économie imposé aux médecins (alors que les médecins représentent environ 32% du poids budgétaire des honoraires dans le budget global, hors pharma, 60% des efforts demandés aux prestataires de soins leur sont imposés).
Force a donc été de constater que le processus de concertation préalable, censé mener à la co-construction d’une proposition de budget avant sa validation par le Comité de l’Assurance (puis par le gouvernement et le Conseil Général), a été vidé de sa substance, rompant la confiance réciproque qui aurait dû être établie avec les prestataires de soins. Un constat qui ne manque pas d’interroger sur la place réelle accordée au dialogue et à la concertation dans la gouvernance actuelle du système de santé …
… mais approuvée par le Conseil Général, où les prestataires n’ont pas droit de vote
Face à un tel blocage, il revient alors légalement au gouvernement de soumettre un budget au Conseil Général de l’INAMI, composé des représentants des mutualités, des employeurs, des travailleurs et du gouvernement. Les représentants des prestataires de soins n’y siégeant qu’à titre consultatif (ils ne peuvent prendre part au vote donc), le budget global de l’assurance soins de santé pour 2026 (3) a donc, sans grande surprise, été approuvé par le Conseil Général ce 20/10/25 à 17 voix pour et 4 abstentions.
S’il nous apparait légitime que les médecins participent à l’effort collectif demandé à l’ensemble de la population, les économies demandées à notre secteur (150 millions d’euros, auxquels viennent s’ajouter 62 millions supplémentaires pour un dépassement d’environ 31 millions en 2024) apparaissent totalement disproportionnées au regard des enjeux et des contraintes déjà supportées par les médecins.
Espace budgétaire corseté et aucune marge de manœuvre pour faire face aux besoins grandissants de la population
Il ne faut pas être grand clerc pour comprendre que, dans un système budgétaire fermé, il n’existe que trois leviers pour faire des économies : diminuer le remboursement des prestations et actes techniques (au risque de reporter la charge sur les patients via des suppléments facturés par les prestataires), augmenter la part personnelle payée par les patients (au risque d’accroître les inégalités d’accès aux soins de santé) ou réduire le volume des prestations et actes remboursés.
Alors que nous nous y étions toujours farouchement opposés jusqu’ici, nous nous étions résolus malgré tout à intégrer dans l’exercice budgétaire une augmentation de 1 € du ticket modérateur (TM) pour les assurés ne bénéficiant pas de l’intervention majorée (il n’était pas question de toucher au TM des BIM). Cet ajustement minime entre la part personnelle (jamais indexée en 20 ans !) et le remboursement par la sécurité sociale aurait pourtant permis de dégager une certaine marge de manœuvre (inexistante dans le budget actuel !) pour améliorer l’accessibilité aux soins (en refinançant la phono-consultation par exemple) et répondre à des besoins non satisfaits.
Cette augmentation minime du TM ayant été négligée par le gouvernement, nous nous retrouvons donc, sans aucune marge de manœuvre, dans un cadre budgétaire fermé et insuffisant pour faire face à l’augmentation des besoins (et donc des coûts !) liés aux maladies chroniques, aux problèmes environnementaux et à une population vieillissante.
Parvenir à négocier un accord médico-mut : un défi dans ces conditions
Notre objectif prioritaire a toujours été de parvenir à négocier un accord médico-mutualiste qui permette à un maximum de médecins de respecter les tarifs fixés par la convention et donc de maintenir une accessibilité aux soins maximale pour les patients qui se confient à eux. Encore faut-il pour cela que ces tarifs conventionnés restent accessibles financièrement pour les médecins …
Mais maintenant que nous sommes contraints de composer avec un budget sectoriel corseté, sans marge, force est de constater qu’il n’y a pas de place pour faire droit à de nouvelles initiatives ni même répondre à des besoins déjà exprimés.
Dans le cadre de la négociation d’un accord médico-mut pour 2026-2027, la seule marge de manœuvre qui nous reste sont les glissements sous-sectoriels internes, à savoir une répartition sélective de la masse d’index et le recyclage des budgets prévus pour les appropriate care.
Dans ces conditions, comment arriver à préserver un système de soins de santé qui soit juste, solidaire, durable, accessible financièrement pour les patients et avec des honoraires corrects pour les prestataires de soins ?
Nous souhaitons continuer à miser sur une concertation constructive pour que « les meilleurs soins, au meilleur endroit, par le prestataire le plus adéquat, au meilleur moment et au prix le plus juste » soient mis en œuvre, mais les négociations s’annoncent difficiles et le risque d’absence d’accord n’est pas négligeable …
Que faut-il retenir pour la MG ?
Notons que le secteur de la médecine générale, qui avait déjà beaucoup donné à l’entame du budget 2025 (avec la suppression des phono-consultations) est relativement épargné dans le budget des soins de santé 2026 validé par le Conseil Général.
Comme vous pourrez le constater, plusieurs mesures sont à épingler pour la médecine générale :
La phono-consultation sera réintroduite, uniquement pour les PMG, àpd 01/01/26 : cette phono-consultation spécifique aux PMG, qui permet aux MG de garde d’évaluer la gravité par téléphone et de donner un avis médical si nécessaire, devrait être neutre budgétairement (les moyens libérés par la baisse attendue du nombre de consultations physiques pendant la garde seront utilisés pour rémunérer la phono-consultation).
Outre la poursuite des réflexions sur les modalités d’accréditation et de la prime de pratique intégrée (dont les critères et conditions d’octroi feront l’objet d’une évaluation détaillée afin de mettre l’accent sur l’efficacité et la qualité), plusieurs mesures nous sont néanmoins imposées : les honoraires pour les ECG seront réduits de 1 € (ce qui permettra d’économiser 2,2 millions d’euros) et la différence de remboursement entre les médecins accrédités et non accrédités sera temporairement augmentée (avant une révision du système d’accréditation attendue pour septembre 2026).
En outre, il nous est imposé une mesure aussi vexatoire qu’infondée dans le but de diminuer la « facture » des CT-scans de la colonne vertébrale : dès le 01/01/2026, la prescription de ce type d’examen sera limitée à certains spécialistes (neurochirurgiens, rhumatologues, neurologues, orthopédistes et urgentistes). Cette restriction, profondément vexatoire pour la médecine générale (et d’autres spécialités comme l’oncologie par ex.), témoigne en outre d’une méconnaissance totale du circuit de soins actuel : quand on sait la difficulté à obtenir rapidement un rendez-vous dans ces spécialités, le patient en souffrance aura vite fait de court-circuiter ce passage obligé par un passage encore plus coûteux aux urgences.
Plutôt que de sanctionner d’emblée toute une profession, il aurait mieux valu miser encore et toujours sur formation continue des médecins généralistes quant aux indications adéquates pour les demandes de CT-Scans, afin que les demandes appropriées puissent encore être faites par la médecine générale.
Un budget de 3,3 millions d’euros sera alloué à la mise en œuvre de la délivrance/tarification à l’unité des antibiotiques. Dès 2026, les antibiotiques seront prescrits et délivrés par période de traitement afin de minimiser le risque de surconsommation d’antibiotiques, de gaspillage et d’automédication. En rationalisant l’utilisation des antibiotiques, cette mesure participera à la lutte contre la résistance aux antimicrobiens (RAM).
Il a également été décidé d’augmenter le ticket modérateur pour les IPP de catégorie B (les antiacides de la catégorie de remboursement A ne sont pas concernés, car ils sont destinés aux personnes souffrant de troubles graves – syndrome de Barrett par ex.).
Des mesures seront prises pour améliorer l’usage des médicaments hypocholestérolémiants. Le projet du Comité des assurances propose d’élargir le champ aux statines, à l’ézétimibe et à leurs combinaisons, en les transférant de la catégorie B à la catégorie C pour la prévention primaire sans comorbidités. Pour la prévention primaire avec comorbidités et la prévention secondaire, ces médicaments resteraient remboursés sous le chapitre IV. Le Conseil général approuve cet élargissement mais juge qu’une extension supplémentaire du chapitre IV alourdirait inutilement la charge administrative. Une campagne d’information publique accompagnera cette mesure afin de promouvoir l’usage approprié de ces traitements dans la prévention cardiovasculaire.
(1) Le Comité de l’Assurance est composé d’un nombre égal de représentants des O.A. et des dispensateurs de soins. Les représentants des partenaires sociaux y siègent avec voix consultative.
(2) Parmi les propositions d’économies mises sur la table des négociations avec les organismes assureurs, citons e.a. : diminuer les examens inutiles ou en doublon, favoriser un échelonnement des soins pourvoyeur d’économies tout en améliorant la qualité et diminuant l’iatrogénicité des soins, diminuer le gaspillage des médicaments (cela fait 30 ans que le GBO demande la prescription à l’unité, qui pourrait générer des économies et avoir un impact écologique positif substantiel !), etc.
(3) Le budget global de l’assurance soins de santé validé pour 2026 s’élèvera à environ 46,775 milliards d’euros, dont 40,986 milliards d’euros seront alloués au remboursement des soins de santé (+ 3,2% par rapport à 2025).