Conférence de presse du 7 juillet 2025 : La souffrance des soignants, les raisons d’une crise

Flash-info 42/25, publié le 07/07/2025

Le GBO est mobilisé face à la dégradation des conditions de travails des soignants, et entre autres celles des médecins généralistes. Les raisons de ce malaise sont multiples et ont un effet multiplicateur. Nous voyons beaucoup de jeunes professionnels quitter le métier après moins de 5 ans d’exercice. Les raisons sont multifactorielles mais certaines sont inhérentes à l’exercice de la profession. La confrontation à la souffrance, à la maladie, à la précarité et à la pauvreté n’a jamais été chose facile. Et donc pour accompagner la population qui se confie à eux, les soignants ont besoin du soutien de tous les partenaires dans le système de soins. A l’occasion de l’actualité liée au projet de réforme de la loi cadre santé du Ministre Frank Vandenbroucke, le GBO, représentant des généralistes francophones, veut rappeler aujourd’hui les raisons de cette crise de confiance d’un grand nombre de médecins envers les pouvoirs publics qui devraient pourtant être les principaux soutiens de la profession.

Nous sommes conscients qu’il faut s’insérer dans une dynamique d’assainissement du système des soins de santé pour légitimer la revendication de son refinancement. Là, nous voulons nous associer à la démarche du Ministre Vandenbroucke : rendre les soins, même les plus sophistiqués si nécessaire, accessibles à tous et développer l’approche de la responsabilité sociale en santé des prestataires. Mais pour cela, il importe que les pouvoirs publics permettent la mise en place d’un système de soins de santé basé sur le principe des meilleurs soins au meilleur endroit au meilleur moment par le prestataire le plus adéquat et au prix le plus juste. A cette fin, les médecins généralistes, chevilles ouvrières d’un tel système, doivent être soutenus.

Rappel des principaux points problématiques qui fâchent depuis le départ dans l’avant-projet de loi en cours de négociation.

1. Une atteinte au modèle de concertation
2. La suppression de pouvoir se conventionner partiellement
3. Le manque de clarté sur la possibilité pour les pouvoirs publics de suspendre temporairement ou définitivement un numéro INAMI
4. La question des plafonds des suppléments d’honoraires en ambulatoire (25%) et en milieu hospitalier (125%)
5. Le financement des syndicats, qui serait partiellement lié au taux de conventionnement des médecins
6. Le couplage des primes des généralistes au statut de conventionnement individuel

Nous avons d’ores et déjà obtenu des ajustements positifs par le Ministre:

1. Le principe de convention partielle est maintenu et encadré pour favoriser la transparence du système pour les patients
2. Des clarifications ont été apportées sur la suppression/suspension des numéros INAMI

Sur le lien entre taux de conventionnement et financement des syndicats, nous n’avons pas encore obtenu satisfaction. Nous refusons cette mesure qui ne serait qu’un asservissement du syndicat.
Sur le lien entre convention et primes, nous n’avons pas encore obtenu satisfaction.
Concernant les suppléments d’honoraires, les pourcentages doivent encore faire l’objet de concertation et le Ministre attend des syndicats des arguments pour les revoir à la hausse notamment dans l’ambulatoire si nécessaire.

Lorsqu’un compromis acceptable sera obtenu, nous prendrons rendez-vous avec le Ministre Vandenbroucke pour les réformes du système qui nous tiennent à coeur (entre autres, le principe de subsidiarité des soins, le splitsing entre l’incitation à la qualité et les mesures de contrôle au sein des organes de promotion de la qualité et de contrôle médical (CNPQ/SECM), le fonctionnement du 1733, le financement de la garde en MG, etc.)

En effet, au-delà des points problématiques dans l’avant-projet de loi en cours de négociation, il est utile de rappeler que la médecine générale est en difficulté et ce n’est pas nouveau. Pour cela, nous combattons :

  • La stigmatisation insidieuse de la médecine générale, non reconnue dans son difficile travail au service d’une population de plus en plus précarisée, menacée par des crises sanitaires, socioéconomique, écologiques trop peu prises en charge par les pouvoirs publics
    Les autorités tancent les médecins pour leurs prescriptions trop importantes, par exemple, d’antibiotiques, c’est sans tenir compte de l’effort déjà réalisé : en 10 ans la prescription d’antibiotiques par les généralistes a baissé de façon spectaculaire. Nous attendons un soutien bienveillant pour poursuivre l’effort indispensable au service de la santé publique.
    Les autorités veulent traquer les certificats de trop longue durée et trop souvent rédigés. Oui, il y a trop de malades de longue durée en Belgique ! A qui la faute ? Quelles sont ces entreprises qui durcissent les conditions de travail au prix de dégradations dans leur organisation et dans un climat opposé à celui qui devrait prévaloir pour créer du bien-être au travail ? Les démarches des pouvoirs publics à ce sujet doivent être solidaires du travail des prestataires et non pas les identifier comme coupables.
    Les médicaments antiacides sont “trop” prescrits, par excellence révélateurs du stress et de la malbouffe distribuée avec arrogance et en totale impunité par le secteur agroalimentaire dont est victime la population. Là encore les généralistes ont fourni des efforts de réduction de prescription. Mais les alternatives ne sont pas dans leurs mains. Là aussi les démarches par les pouvoirs publics doivent se faire en solidarité avec les prestataires.
  • La surcharge de travail de la médecine générale, provoquée principalement par la pénurie de généraliste dénoncée depuis de nombreuses années par le GBO et de nombreuses autres voix francophones. Il y a une trentaine d’année, les autorités ont établi un numerus clausus. Dès 2005, le GBO alerté sur les premiers signes de pénurie.
    Le nombre de médecins généralistes formés par les universités étaient très largement insuffisants, certaines années 25 % des étudiants au lieu des 50 % nécessaires.
    Ce numerus clausus était particulièrement inepte dans un marché où la concurrence européenne oblige à accepter n’importe quel médecin issu de l’Union européenne.
    Les mesures actuelles pour combattre les pénuries sont encore trop timides pour être efficaces.
    La surcharge due aux obligations administratives confisque le temps des prestataires qu’ils devraient pouvoir consacrer au soin et à l’écoute.
  • Un système de soins mal structuré avec une offre insuffisante.
    Notre exigence du meilleur soin, au meilleur endroit, au meilleur moment par le prestataire le plus adéquat est loin d’être appliquée en ce moment.
    Depuis des années, on déshabille la médecine générale, en réservant certains actes ou remboursements aux spécialistes et en partageant certaines prérogatives à d’autres prestataires de première ligne, sans une concertation suffisante qui déterminerait la meilleure collaboration entre les différents métiers au sein de la première ligne de soins.
    L’accès à certains spécialistes conventionnés devient particulièrement compliqué, il n’est pas rare que nous devions passer le temps d’une consultation pour obtenir un rendez-vous prioritaire.
    Il n’y a pas de réelle structuration des soins. N’importe qui peut “consommer” toutes sortes de soins à quelque niveau que ce soit sans réelle justification médicale, encombrant inutilement les 2ème et 3èmes lignes de soins et en les rendant trop peu accessibles pour les cas complexes qui demandent leur expertise pointue dans des délais raisonnables.
    Les services des urgences sont encombrés de patients qui n’ont rien à y faire, et le renvoi vers la première ligne reste compliqué vu la pénurie de généralistes. Là encore, une structuration avec un tri efficace rendrait les services de garde plus efficients.
  • Il existe bien d’autres motifs de frustrations, citons :
    La suppression de la phono- consultation, bien utile et écologique.
    La non-prise en compte de la problématique des gardes en régions rurales peu peuplées et très étendues, où la récurrence de garde plus importante et les honoraires plus bas sont des éléments qui plombent les chances de résoudre la pénurie plus importante dans ces régions.
    Le non-accès à certains médicaments, au prix parfois démentiel et qui, lorsqu’ils sont remboursés, plombent les finances de la sécurité sociale.

Concernant le mouvement actuel
Nous savons que la manifestation actuelle des mécontentements repose sur des raisons qui sont donc bien plus larges que le projet de loi du Ministre Vandenbroucke. La démarche annoncée du Ministre est de sauver la sécurité sociale par une maîtrise de ses coûts et d’augmenter l’accessibilité des soins.

Nous rappelons que le gouvernement n’a pas suivi la norme de croissance de 3,3% proposée par le Plan pour répondre à l’augmentation des besoins. La norme de croissance de 2,5 % obtenue par le ministre Vandenbroucke est insuffisante. Il y aura forcément un déficit dans les années à venir.

Nous sommes actuellement en négociation avec le ministre Vandenbroucke pour que la maîtrise des coûts ne se fasse pas au détriment de l’indépendance du médecin et du secret professionnel, indispensables outils de la démocratie.

Ces négociations ont rencontré des avancées significatives et d’ailleurs déjà bien avant toute menace de grève. La réforme du financement des hôpitaux qui dépendent actuellement en partie des suppléments d’honoraires au risque parfois de leur survie économique et la réforme de la nomenclature qui devrait valoriser l’acte pur et le temps pris pour les soins sont les éléments indispensables qui consacreront la reconnaissance du travail des prestataires.

Le vieillissement de la population, l’augmentation des maladies chroniques, les crises sanitaires, sociales et environnementales obligeront à des choix où le soutien à la médecine générale doit faire partie de la solution. La dégradation des conditions de travail à la suite de coupes budgétaires, avec l’exigence par les pouvoirs publics de gérer au moindre coût les conséquences des drames humanitaires et sociaux, de la dérégulation économique, de crises sanitaires et environnementales n’est pas un mythe.

Nous sommes inquiets des menaces de privatisation des soins dont le débat sur les suppléments d’honoraires fait partie, et de financiarisation des structures de soins, en médecine générale et spécialisée. Nous rappelons que notre système de soins est actuellement performant et accessible, mais perfectible si nous voulons qu’il soit durable.

Nous craignons que le mouvement actuel, s’il manifeste des craintes légitimes, soit instrumentalisé pour des intérêts particuliers ou politiciens.

Concernant la sécurité, sociale, nous faisons nôtre la réponse attribuée à W. Churchill quand on lui a demandé de couper dans le budget des arts pour l’effort de guerre :

« Alors pourquoi nous battons-nous ? »

Pour l’OA du GBO