Conseil Technique Médical (CTM)

Ou comment donner la primauté aux priorités en santé publique…

Actuellement, chaque spécialité propose au Conseil technique médical (CTM) une série d’actes (techniques) qu’il juge bon de mettre en œuvre et de voir remboursés par la collectivité.

Le fonctionnement du CTM permet aux groupes professionnels qui disposent de plus de temps et d’expertise d’imposer un grand nombre de leurs demandes et d’absorber de facto un maximum de fonds publics. Sans qu’aucune évaluation ne soit effectuée sur l’utilité absolue et relative des nouvelles méthodes proposées (health technology assessment). Les investissements peuvent dès lors être très lourds et peu rentables. Inversement les disciplines les moins bien financées, comme la MG, ont du mal à mettre en place leurs propositions et proposent trop peu, trop tard.

Idéalement, le CTM ne devrait plus répondre aux demandes des secteurs de soins mais, agissant d’initiative en collaboration avec des spécialistes de la santé publique, établir une liste de besoins prioritaires basés sur les critères cités par Pineault et Daveluy tels que gravité, vulnérabilité, faisabilité, efficience et acceptabilité. Cette liste serait alors mise en œuvre au CTM en établissant quels sont les soignants les plus pertinents pour administrer ces soins sur base du principe de subsidiarité.

Propositions du GBO

  • Inscrire le fonctionnement du CTM dans un processus basé sur la santé publique : déterminer quels sont les besoins prioritaires de santé, quelles sont les réponses les plus efficientes à y apporter et ensuite déterminer le remboursement des soins en fonction de ces critères.
  • Évaluer chaque intervention médicale, tant préventive que curative, en termes de gain d’années de vie, gain pondéré par la qualité de la vie ainsi gagnée (Quality-Adjusted Life Year, QALY). Ensuite il faut tenir compte du coût par QALY (efficience des interventions médicales). Certaines recherches ont montré un net avantage pour deux disciplines médicales, la neurochirurgie traumatique et la médecine générale (4) : on peut émettre l’hypothèse que c’est un effet d’extrémités. En effet, les interventions de MG sont peu rentables en QALY absolue mais très bon marché dans les faits, donc leur produit reste avantageux. Inversement, la neurochirurgie traumatique coûte fort cher, mais son efficacité brute est très grande en termes de vie sauvée.
  • Déterminer le paiement des prestataires selon le type de soin ou d’intervention pour mettre en œuvre les priorités de la façon la plus adéquate.
  • Inciter par le paiement à bien travailler, en évitant les sur- et sous-prestations.

Le QALY (de l’anglais quality-adjusted life year, « année de vie pondérée par la qualité ») est un indicateur économique utilisé en médecine pour déterminer la valeur pécuniaire d’une intervention ou d’un traitement. Une année en bonne santé correspond à un QALY de 1 ; une intervention causant la mort correspond à un QALY de 0 ; une année au cours de laquelle l’intervention thérapeutique permet de prolonger l’espérance de vie effective mais affecte les conditions de vie (par exemple, en évitant le décès au prix d’un handicap) sera comptée entre 0 et 1.

Quelques exemples de financement de la médecine générale à promouvoir :

À financer à l’acte :

  • intervention sous prestée : re-rembourser le fond d’œil par le MG[1], cette proposition a été faite il y a un petit temps déjà, peut être au vu des outils techniques disponibles pourrait on partager le travail avec un appareil de télé-fond’œil qui ferait le tri de ce qu’on envoie chez l’ophtalmo. J’ai personnellement pratiqué les fonds d’œil très longtemps, je pense que c’est un excellent exercice pour apprendre à regarder…. Il n’y pas que le diabète dans la vie, il y a aussi l’HTA. On pourrait aussi financer l’appareil (cf plus bas)
  • intervention nouvelle: rembourser l’ultrason ciblé effectué par le MG
  • intervention peu attractive : assurer un meilleur honoraire pour les gardes de nuit (Cf. Garde).

À financer à la capitation ou à l’épisode :

  • Paiement à la capitation pour les interventions représentant un suivi longitudinal, comme le passeport diabète/trajet départ diabète et les trajets de soins
  • Paiement à l’épisode pour les interventions qui nécessitent un suivi intensif mais limité dans le temps, comme les soins palliatifs

À financer à la fonction :

  • Paiement à la fonction pour l’équipement indispensable à une bonne pratique (informatisation, appareils de stérilisation, négatoscope, téléphonie…). Personnel d’aide

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La question de l’adéquation des paiements au soutien de la performance de la médecine générale surgit ici : certains paiements sont définis par le CTM (capitation et actes) et d’autres pas (financement à la fonction, garde, Cercles, RML, financement d’infrastructure). Cette diversité des sources de financement de la MG oblige à revoir le mécanisme de prise de décision : la Commission Nationale Médico-Mutualiste (CNMM) serait-elle capable de définir des priorités en santé publique pour ensuite adapter les paiements ? Ou faut-il réunir un plus grand cénacle qui comprend tous les groupes qui s’occupent de la rémunération de la profession pour établir les priorités avant de les ventiler en CNMM ?

La réflexion doit avoir lieu rapidement pour éviter la perte de temps subie par le Conseil Technique Médical (CTM-MG). La CNMM fait avancer des dossiers sans un travail suffisant pour déterminer des priorités en santé publique et dans cette dynamique, la MG est perdante presque à chaque coup.

La réforme de la nomenclature en cours se fait dans un mode concurrentiel dissymétrique : la MG n’a pas accès à la nomenclature de la MS, mais la MS a globalement accès à la nomenclature de la MG ! Nous proposons une division du travail complémentaire et non concurrentielle (symétrique) où les champs d’activité sont bien délimités et les recouvrements minimisés.

PS : l’INAMI vient de mettre sur pied un comité d’experts composé essentiellement de scientifiques pour déterminer les besoins: nul n’est prophète….

[1] Il existait un code qui a été lâchement supprimé !