Échelonnement – Subsidiarité – Organisation du système de soins

Ou « comment passer de la concurrence à la coopération entre MG et MS ? »

L’échelonnement incitatif est défini comme un mode d’organisation des soins qui favorise économiquement le patient se rendant d’abord en première ligne, auprès de son MG, pour les soins sans urgence ni gravité. Ce qui veut dire, par exemple, que si le patient est référé au MS par le MG, le ticket modérateur (TM) sera abaissé, voir supprimé.

Seuls les patients nécessitant a priori des soins urgents en milieu hospitalier sont fondés à court-circuiter les lignes en se rendant directement aux urgences hospitalières.

Selon la littérature scientifique, il s’agit du système le plus équitable et le plus efficient. B. Starfield souligne ainsi qu’ « Un système de soins basé sur les soins primaires se trouve directement lié à de faibles coûts, un sentiment de satisfaction accru de la population, une meilleure qualité des soins, un usage plus modéré des médicaments, un taux inférieur d’interventions superflues » (6). De nombreuses études démontrent également une plus grande efficience des soins échelonnés plutôt que l’accès direct aux spécialités.(7, 8, 9)

Comment passer de la concurrence à la coopération entre MG et MS ?

En France, les diabétiques patientent parfois de longs mois avant de passer un fond d’œil. En Bourgogne, les autorités publiques ont dès lors organisé un pré-dépistage de la rétinopathie. Un service itinérant réalise des photographies des fonds d’œil, qui sont ensuite envoyées par voie électronique à un service d’ophtalmologie universitaire où les photos sont lues et triées. Si l’une semble suspecte, le patient est convoqué pour une mise au point.

Ce système s’est révélé très efficace pour faire fondre les files d’attente. Actuellement, il est toutefois limité aux services universitaires, car il n’existe pas de modèle économique à l’acte appliqué pour les spécialistes. Cependant, le CTM vient de proposer un remboursement pour le spécialiste appelé en téléexpertise, ce système pourrait être l’embryon d’un mode de payement pour le télé fond d’œil et la télédermatologie. C’est évidemment à ce niveau qu’il faut agir. Les groupes de MG pourraient disposer de l’appareil photo ad hoc et, après avoir dilaté la pupille des patients, prendre les photos et les envoyer aux spécialistes. L’ophtalmologue serait alors rémunéré non seulement pour les patients vus classiquement en face à face, mais aussi par photo visionnée et « protocolée » (comme cela se fait en radiologie).

Des expériences sont en cours sont en cours en télé-dermatologie et en télé-fond d’œil, nous n’avons pas encore connaissance des résultats.

Principe de subsidiarité selon lequel une autorité centrale ne peut effectuer que les tâches qui ne peuvent pas être réalisées à l’échelon inférieur. (dictionnaire Le Robert)

Etymologie : du latin subsidiarii, troupe de réserve, de subsidium, réserve, recours, appui. La subsidiarité est le caractère de ce qui est subsidiaire, c’est-à-dire de ce qui s’ajoute à l’élément principal pour le renforcer.

Appliqué au secteur des soins de santé, le principe de subsidiarité est la recherche du niveau pertinent d’action, soit ne pas faire à un niveau plus élevé ce qui peut l’être avec plus d’efficacité à un échelon moins formé/spécialisé.

Exemples : une infirmière peut se charger d’une prise de sang à la place du généraliste, tout comme il est plus logique (et moins cher) qu’un généraliste se charge de peser, mesurer et vacciner un enfant en bas âge, en lieu et place d’un pédiatre, etc.

Propositions du GBO

Le patient doit être invité et incité à consulter prioritairement son MG pour tout problème de santé.

  • Pour celui qui présente des pathologies courantes, limitées dans le temps et qui est capable de se prendre en charge, il faut jouer sur la modulation des tickets modérateurs : il sera mieux remboursé de sa consultation spécialisée s’il est passé au préalable chez son MG dépositaire de son DMG, avec des incitants pour qu’il retourne chez son MG après une consultation chez le MS. Il faut fixer des périodicités rationnelles, une visite trimestrielle pour le diabète, par exemple.
  • Le patient présentant des pathologies complexes, de longue durée, ou fragilisé par sa maladie peut être soigné en première ligne. Lorsque ce n’est pas le cas, il faut renforcer la collaboration entre le MG gestionnaire du DMG et le MS référent. C’est pourquoi, il est nécessaire de créer le statut de « patient nécessitant des soins complexes ».
    • Le trajet de soins (TDS) promeut une collaboration optimale MG/MS, mais il est actuellement mal dimensionné. Par ailleurs, on s’oriente actuellement vers un bundled payment pour les maladies chroniques, mais il importe là aussi de prévoir les nécessités optimales d’interventions des MS, des MG et des autres acteurs de soins. Par ailleurs la répartition ACTUELLE des honoraires dans les bundled payment n’est pas organisée mais laissée à la libre négociation. Selon les règles du “libre renard dans le libre poulailler”, cette négociation n’est pas équitable. Le GBO insiste pour qu’elle soit effectuée sous l’arbitrage des pouvoirs publics (toujours dans l’esprit de la réforme de la nomenclature).
    • C’est le MG, et lui seul, qui sera à la base de l’attribution de ce statut à ses patients, avec un contrôle possible par le Service d’Évaluation et de Contrôle Médicaux (SECM).
    • Ce statut serait valable durant 2 ou 3 ans et ne sera renouvelé que si le MG continue à suivre son patient.
    • Il ne devra exister qu’un seul statut de « patient nécessitant des soins complexes », englobant toutes les pathologies compliquées : diabète, oncologie, BPCO, insuffisance cardiaque, insuffisance rénale… Le GBO avait proposé un trajet de soins générique qui est en voie d’être remplacé par les bundled payment, système encore très imparfait. Il serait préférable de définir un protocole de soins « pluri » avec partage des tâches souples entre les intervenants, la rémunération serait proportionnelle à l’implication concrète de chacun.
    • Dès la reconnaissance de ce statut:
      • le patient bénéficiera de meilleurs remboursements pour certaines prestations médicales ou paramédicales et de meilleures conditions financières pour accéder à certains matériels (exemple : tigettes de test, prothèses)
      • le MS référent jouira d’une prime pour la prise en charge partagée du patient
      • la prestation (consultation ou visite à domicile) du MG sera mieux honorée et le forfait annuel global du DMG sera nettement revalorisé.

On créera ainsi un système polyvalent, simple d’utilisation, valable pour tous les patients nécessitant des soins complexes.

Certains centres spécialisés dans les maladies rares ont une place dans l’organisation des soins (cf. maladies rares), mais ils doivent fonctionner en « troisième ligne », comme centres de référence pour le MG et le MS. Par contre, les centres spécialisés s’adressant à des pathologies courantes, à l’exemple des centres de la migraine ou de la ménopause, n’ont, en principe, aucune place dans le système de soins de santé.

  1. Starfield B: Is primary care essential? Lancet 1994, 344: 1129-1133.
  2. Schieber GJ, Poullier JP, Greenwald LM: Health system performance in OECD countries, 1980-1992. Organization for Economic Cooperation and Development. Health Aff (Millwood) 1994, 13: 100-112.
  3. Schwenkglenks M, Preiswerk G, Lehner R, Weber F, Szucs TD: Economic efficiency of gate-keeping compared with fee for service plans: a Swiss example. J Epidemiol Community Health 2006, 60: 24-30.
  4. Velasco Garrido M., Zentner A.Busse R.: The effects of gatekeeping: A systematic review of the literature. Scand J Prim Health Care 2011, 29: 28-38.