Le GBO/Cartel répond au VOKA : non à la méfiance envers les généralistes, oui à une collaboration renforcée et plus précoce au sein du TRIO

Flash-info 58/25, publié le 30/09/2025

Face à la proposition du VOKA (1) de limiter à un mois l’incapacité de travail prescrite par le médecin généraliste et de confier les prolongations au médecin du travail, le GBO/Cartel réaffirme la nécessité de maintenir le médecin généraliste au centre de l’évaluation et du suivi des incapacités de travail. Seul garant de la vision biopsychosociale du patient et acteur de confiance, il doit rester la pierre angulaire d’une collaboration étroite, plus précoce et renforcée avec les médecins du travail et les médecins-conseils, afin de favoriser une reprise adaptée, respectueuse de la santé des travailleurs et tenant compte des réalités du terrain.

« Le travail, c’est la santé » ?

« Le travail, c’est la santé », chantait Henri Salvador dans les années 1960. Mais, si le droit au travail garantit le bien-être social, le travail lui-même ne garantit pas toujours la bonne santé, loin s’en faut. Tout comme le travail n’est pas le seul moyen pour garantir les liens sociaux, ni pour se sentir utile à la société (pensons aux aidants proches ou à la vie associative, qui sont aussi des ciments non négligeables de notre société).

D’aucuns voient l’incapacité de travail comme une complication de la maladie. Il importe donc de la « soigner » au même titre que la maladie elle-même. D’autres la voient plutôt comme traitement de la maladie, dont on doit bien connaître l’indication, la posologie, les effets secondaires, et qui doit être considéré aussi comme un droit.

Promouvoir, accompagner, restaurer le retour au travail est une mission importante des médecins généralistes, dans les limites des possibilités des patients qui se confient à eux et dans les limites diagnostiques et thérapeutiques des médecins traitants.

S’il est vrai que le nombre d’incapacité de travail est très important et en augmentation constante, les causes en sont multiples : conditions de travail et conditions sociales, individuelles et collectives, dont on devrait beaucoup plus tenir compte dans des politiques de bien-être au travail.

Que propose le VOKA ?

La proposition du VOKA est de réduire à 1 mois l’incapacité totale de travail pouvant être prescrite par le généraliste. Il prévoit d’en déléguer les prolongations au médecin du travail impliqué dans l’évaluation de l’incapacité dès la fin de ce premier mois.

Une telle proposition traduit une méfiance à l’égard des médecins généralistes concernant leur capacité à apprécier correctement une incapacité et à diagnostiquer la capacité résiduelle du travailleur. Pour le GBO/Cartel, le généraliste reste la pierre angulaire tout au long du processus de certification des incapacités de travail, vu sa connaissance des dimensions biopsychosociales de leurs causes (2).

Certificat d’incapacité VS certificat d’aptitude au travail

Contrairement à ce que prône le VOKA, le généraliste est bien capable de juger de l’incapacité aussi longtemps que nécessaire. Mais, s’il peut en effet définir ce que le patient n’est plus capable de faire dans le cadre de son travail (pas de port de charge lourde après une opération du genou par ex.), il lui est par contre beaucoup plus difficile d’apprécier ce que le travailleur pourrait encore faire, ne connaissant pas toutes les réalités et les exigences de la fonction occupée par le travailleur.

Le GBO/Cartel estime donc qu’il est bénéfique de pouvoir compter sur l’expertise spécifique des médecins-conseils des mutuelles et des médecins du travail le plus tôt possible dans le processus de certification de l’incapacité. Une collaboration très précoce permettrait également au médecin généraliste de donner l’occasion aux patients qui en sont capables de pouvoir travailler à temps partiel dès les premiers jours de l’incapacité.

Le généraliste doit rester au centre du processus de concertation

Le VOKA veut placer le médecin du travail au centre du processus. Aujourd’hui déjà, celui-ci est tenu d’intervenir pour aider un travailleur malade dès qu’un employeur signale que cette personne est absente depuis plus d’un mois. Il nous importe donc que le médecin du travail soit bel et bien interpellé pour intervenir à ce moment. Pourtant, il semble malheureusement que la grande majorité des cas d’incapacité de travail de plus d’un mois n’est pas notifiée par l’employeur au médecin du travail, comme la réglementation actuelle le prescrit. Mais il nous importe aussi que le médecin du travail puisse continuer à intervenir dès les premiers jours, ou même en prévention d’un arrêt, à la demande du médecin traitant et du patient.

Dans les circonstances actuelles, est-il réaliste d’imaginer que, en plus de son rôle premier et essentiel de prévention, le médecin du travail pourrait assumer, comme le demande le VOKA, ces très nombreuses prolongations de certificats d’incapacité (totale ou partielle) après un mois ? Outre le fait qu’une telle proposition fait abstraction de la charge de travail qu’une telle mesure impliquerait pour le médecin du travail et de sa répercussion sur son rôle préventif, elle l’obligerait de surcroît à mélanger des rôles qui ne lui appartiennent pas.

Le profilage des médecins doit être proportionné au but poursuivi

Nous prenons bien conscience de l’utilité de déterminer des guidelines pour corréler les incapacités aux pathologies, à enseigner lors des formations initiales et continues. Le GBO/Cartel veillera à ce que ces guidelines ne deviennent jamais contraignants. L’évaluation doit être personnalisée et tenir compte des caractéristiques de la pathologie à prendre en compte pour l’exercice professionnel, de l’activité professionnelle en elle-même, des capacités propres à chaque patient en rapport avec ses conditions de vie.

Par ailleurs, si l’utilisation systématique des certificats médicaux électroniques permettra de détecter certains médecins suspectés d’avoir la main trop leste, nous insistons pour que soit bien évalué le risque d’un profilage non proportionné au but poursuivi. Ceci pourrait par ailleurs se révéler dangereux à l’avenir quant à la protection des données (cf. avis de l’Autorité de Protection des Données).

L’indispensable collaboration au sein du TRIO sera-t-elle possible dans les circonstances actuelles ?

Nous sommes persuadés que c’est la collaboration au sein du TRIO qui permettra d’établir avec succès ce que le patient travailleur est encore capable de faire, dans une fitnote dont les contours doivent encore être négociés et dont le partage nécessite le consentement du patient.

Le GBO/Cartel tient à souligner le fait que :

  • il est impératif d’envisager un juste financement des généralistes pour la réalisation de ce travail de bonne et indispensable collaboration au sein du TRIO.
  • la pénurie des trois professions du TRIO rend malheureusement le renforcement d’une telle collaboration difficilement réalisable de façon systématique sur le terrain. Nous souhaitons que ces obligations soient plutôt des possibilités mises à disposition, simplifiées administrativement (tant pour les patients que pour les prestataires), favorisant la collaboration de tous les médecins au service du patient travailleur, dans un esprit de prévention, d’accompagnement et de restauration (médecins traitant, du travail, de mutuelle, du SPF handicap, de l’INAMI, de FEDRIS).

La réintégration professionnelle passe par une évaluation régulière des travailleurs en invalidité mais nécessite aussi une approche constructive des employeurs

Nous pensons également qu’il est nécessaire d’évaluer régulièrement (au moins tous les 3 mois) les incapacités de longue durée, avec l’aide de nos confrères spécialistes quand nécessaire, pour ne pas perdre de vue les patients en incapacité de travail et pouvoir leur proposer des alternatives constructives et pour éviter l’installation « définitivement temporaire » en incapacité, y compris dans le travail partiel, si cela ne se justifie pas médicalement.

En outre, le GBO/Cartel attend que les employeurs proposent rapidement des solutions concrètes de reprise partielle ou alternative dans l’entreprise aux personnes qui peuvent reprendre un travail qui serait alors adapté.

(1) VOKA (Vlaams netwerk van ondernemingen), l’équivalent flamand de l’Union Wallonne des Entreprises (UWE) et de l’Union des Entreprises de Bruxelles (UEB),

(2) dimensions qu’il ne peut pas toujours partager, tenu par un secret professionnel parfois exclusif exigé par le patient. Il faudra alors lui faire confiance.