Le virage vers l’ambulatoire ?

Dr Lawrence Cuvelier.
Un billet d’humeur du Dr Lawrence Cuvelier,
Vice-président du GBO/Cartel.

Quand le monde change, quand la route tourne, continuer tout droit pourrait être peu salutaire.

Quelle sensation exaltante cela dût être de prédire l’avenir en pilotant une de ces merveilleuses « de Dion-Bouton » qui dominaient le marché de l’automobile en 1900. Mais depuis 120 ans, l’automobile a considérablement changé. Pareil pour la médecine qui connaît une évolution en accélération constante, carrément spectaculaire dans certains domaines. Plus que les diagnostics dont beaucoup sont connus depuis des siècles, ce sont la vitesse et l’efficience avec lesquelles on les établit qui se sont emballées, tout comme l’efficacité et la sécurité des thérapeutiques. Au point que, pour de nombreuses pathologies, une hospitalisation ne s’avère plus nécessaire. Une étude récente basée sur un protocole rigoureux montre qu’aujourd’hui 2/3 des hospitalisations peuvent être évitées pour les patients souffrant d’une embolie pulmonaire. En cancérologie, les radiothérapies et les chimiothérapies sont de plus en plus souvent dispensées en ambulatoire. En néphrologie, des programmes de prévention efficace se développent pour éviter la dialyse et nombre d’insuffisances rénales terminales sont traitées à domicile. On peut multiplier les exemples à l’envi. Est-ce dire qu’il ne faut plus d’hôpitaux ? Pas du tout, mais ces constatations nous pressent d’adapter la capacité hospitalière à la médecine d’aujourd’hui et de redéfinir les besoins en termes de médecine aigüe, subaigüe et chronique. La pandémie de Covid-19 nous a offert une preuve éclatante de cette nécessité.

Pour un investissement initial bien pensé, les exemples d’autres pays montrent que le virage ambulatoire améliore à la fois la qualité des soins et le plaisir des soignants à exercer leur métier.

Même George Clooney est d’accord

À l’heure du virage vers l’ambulatoire, il s’agit de repenser le poids des hôpitaux dans la politique de santé, de concevoir leur avenir de manière sereine au moment d’investir des milliards d’euros pour une programmation à long terme et de prendre en compte le poids économique et humain des milliers d’emplois nécessaires demain. À l’heure actuelle, les hôpitaux belges peinent à survivre et pour y arriver se lancent dans un jeu de concurrence délétère. Les spécialistes en sont réduits à s’inscrire dans une logique de rentabilité, quitte à produire quantités d’actes pour lesquels ils sont surqualifiés, comme le suivi du diabète de type 2 ou de l’hypertension artérielle non compliquée. La vache à lait des hôpitaux reste le service dit des urgences, largement phagocyté par des demandes qui relèvent de la médecine générale ou par des pathologies chroniques qui n’ont pu obtenir de rendez-vous dans des délais raisonnables chez le spécialiste adéquat parce qu’il est inaccessible, submergé de tâches inappropriées.

Ces quelques exemples suffisent à établir le besoin d’un véritable virage ambulatoire organisé de manière concertée, avec des changements irréversibles mais progressifs, et qui permettra enfin à chacun de faire son vrai métier sans frustrations, sans pertes et sans peur du changement. Il est plus que temps que les urgentistes s’occupent de vraies urgences, que les chirurgiens n’aient à s’occuper que de chirurgie, que les généralistes retrouvent leur fonctions de premier recours, etcetera. Pour un investissement initial bien pensé, les exemples d’autres pays montrent que le virage ambulatoire améliore à la fois la qualité des soins et le plaisir des soignants à exercer leur métier. Virage ambulatoire, what else ?