Maladies chroniques, maladies complexes, trajets de soins

Pour un statut de « patient à problème de santé complexe »

La transition épidémiologique, conséquence de la transition démographique et du contrôle des épidémies dans les pays développés, nécessite un véritable changement de paradigme. Le suivi des maladies chroniques représente le pain quotidien des généralistes. C’est en effet en première ligne que ces affections sont soignées avec le plus d’équité et d’efficience.

Les trajets de soins (TDS), une solution ?

Ce n’est pas l’avis du GBO. Il est possible de soigner la plupart des maladies chroniques intégralement en première ligne. Il s’agit d’abord de définir les pathologies et les conditions qui ne nécessitent pas d’interventions spécialisées. Les trajets de soins « trans-ligne » devraient être limités à une fraction bien précise des pathologies chroniques. Exemple ? En Belgique, le trajet de soins « insuffisance rénale » ne pose guère de problème, car il correspond déjà à une collaboration opérante entre MG et MS. Le trajet de soins « diabète », par contre, ne suit ni les recommandations du KCE, ni les guidelines internationaux. (16,17,18)

Début 2014, l’INAMI a donné un signal semi-positif au niveau des TDS, en déclarant qu’ils devaient être poursuivis. Il ne les a toutefois pas ouvert à d’autres pathologies chroniques. L’étude Achil (19), qui colligeait les données des MG engagés dans des TDS, a révélé une certaine progression dans les processus de soins, mais pas de bénéfices santé spectaculaires indéniablement imputables aux TDS.

Le GBO n’a jamais été un grand amateur de ce concept, qui a émergé en 2009 et ne reflétait pas bien l’esprit d’un rapport antérieur du KCE sur les fondements d’une bonne prise en charge des diabétiques(17). Ce rapport n’imposait pas de passer obligatoirement par la référence à un MS.

Les MG francophones se sont peu appropriés la formule TDS, mais les MS sont restés sur la défensive, ne « lâchant » pas leurs patients. Progressivement cependant une partie des conventions diabète se sont converties en trajets de soins. Cette lente progression peut partiellement s’expliquer par le rapport MG/MS dans la partie francophone du pays. Le fait que les MS sont proportionnellement plus nombreux, ce qui attise la concurrence, ne les pousse pas à partager la prise en charge des diabétiques avec les MG.

L’un des reproches classiques adressés aux TDS est de trop peu tenir compte des problèmes de comorbidité/multimorbidité. Or, à partir de 65 ans, et surtout au-delà de 80 ans, les patients cumulent une série de pathologies différentes, chroniques et complexes. C’est donc à un modèle de prise en charge globale des patients à problèmes complexes, si possible en 1ère ligne, que le GBO aspire.

Le statut de « patient à problème de santé complexe »

Utilisé par FEU le président d’honneur du GBO, Philippe Vandermeeren, le terme « malade complexe » est pertinent, car il regroupe en effet un ensemble de situations cliniques de plus en plus fréquentes. Il s’agit en général d’un patient présentant une ou plusieurs maladies chroniques (comorbidités) qu’accompagnent souvent des difficultés psychologiques, cognitives ou sociales et qui rendent la prise en charge plus difficile. Il est alors utile de disposer d’un temps supplémentaire et de collaboration extérieure pour optimiser la prise en charge à domicile.

Propositions du GBO

Nous prônons l’attribution d’un statut de « patient à problème de santé complexe » sur déclaration du MG à la mutuelle, sur base d’un bilan standardisé. Ce statut supprimera ou réduira fortement le Ticket Modérateur en MG, et en MS sur envoi express du MG. On pourrait aussi remodeler le statut patient chronique autour de ce concept.

Il permettra aussi :

  • un remodelage radical des TDS par une approche plus globale, qui ne « saucissonne » pas le patient en l’incluant dans autant de trajets qu’on lui dénombre de pathologies ;
  • un pré-trajet pour le diabète, lié à un passeport diabète, avec majoration des honoraires de celui-ci. L’idée est de faciliter l’accès à « l’éducation » au diabète et à du matériel de soins autonome pour les diabétiques qui sont encore à un stade précoce de leur maladie. Nos propositions avancent avec le récent trajet de départ diabète ;
  • des soins à domicile par d’autres prestataires de première ligne : infirmier, kinésithérapeute, aide-soignant, aide familial, etc. ;
  • de l’appareillage ;
  • la télémédecine  et télésurveillance  des paramètres et une « hot line » organisée par les pratiques ou le Cercle pour répondre aux problèmes urgents qui ne nécessitent pas de passage d’un médecin.

Le GBO adhère au concept souple d’une prise en charge précoce, multidisciplinaire et utilisant les ressources spécialisées selon les besoins.