
Moyens mis en œuvre pour augmenter la couverture vaccinale : une politique à géométrie variable selon le prestataire concerné ?
Flash-info 66/25, publié le 17/11/2025
Le GBO/Cartel a appris par voie de presse que, lors de l’examen d’un projet de loi portant des dispositions diverses en matière de santé en Commission Santé ce 4/11/25, le Ministre Vandenbroucke avait refusé la proposition de la députée Irina De Knop visant à autoriser les médecins généralistes à stocker les vaccins contre la grippe dans leurs cabinets. Un refus qu’il a justifié par le fait que le maintien du système actuel était « plus sûr ».
Alors que le ministre se dit en faveur d’un renforcement du rôle du médecin généraliste dans une dynamique d’interdisciplinarité, cette nouvelle mesure dément le soutien qu’il déclare assurer à la profession. Le GBO/Cartel dénonce une politique vaccinale incohérente qui, sous couvert de sécurité et de transparence, entrave en réalité l’accès des patients à la vaccination et affaiblit le rôle central du médecin généraliste.
Les pharmaciens sont désormais autorisés de manière pérenne à prescrire, vendre et administrer les vaccins contre la grippe. Le refus d’autoriser les médecins généralistes à stocker ces mêmes vaccins dans leur cabinet constitue, selon nous, une décision injustifiée, contraire à la santé publique, prise sans concertation et incohérente vis-à-vis de la pratique courante de vaccination actuelle des généralistes avec des vaccins stockés dans leur cabinet (ONE et Kind en Gezin).
Le GBO/Cartel rappelle qu’une stratégie vaccinale efficace doit reposer sur la complémentarité des prestataires, et non sur une concurrence artificiellement créée au détriment du parcours patient et de la couverture vaccinale.
Les pharmaciens autorisés de manière pérenne à vacciner contre la grippe …
Dans l’espoir d’augmenter la couverture vaccinale de la population belge, ce projet de Loi pérennise désormais l’autorisation des pharmaciens à vacciner contre la grippe, arguant le fait que, grâce à l’accessibilité des officines (répartition géographique, heures d’ouvertures étendues, etc), les pharmaciens atteignent un public qui ne consulte pas (régulièrement) de médecin généraliste, permettant ainsi de vacciner des patients qui ne le feraient pas autrement et d’augmenter la couverture vaccinale de la population.
Il est difficile de se prononcer sur le sujet vu l’absence de données chiffrées récentes à notre disposition mais, si la couverture vaccinale des personnes n’ayant pas de médecin traitant devait avoir réellement augmenté de manière significative grâce à la vaccination contre la grippe en officine, il est évident que cette mesure aurait un réel intérêt de santé publique et que les pharmaciens joueraient alors un rôle complémentaire appréciable à celui des médecins en matière de vaccination.
Mais trois problèmes subsistent dans cette habilitation pérennisée des pharmaciens à prescrire, vendre et administrer les vaccins contre la grippe:
- Les pharmaciens ne peuvent identifier les personnes appartenant aux groupes cibles devant être vaccinés que sur base du critère de l’âge et des médicaments délivrés, et non sur base des données médicales. Le risque est donc grand de vacciner les personnes n’appartenant pas aux groupes cibles identifiés par le Conseil Supérieur de la Santé (CSS), par exemple les 50+ qui ne présentent pas de facteurs de risque alors qu’ils bénéficient d’un remboursement même si le vaccin à dose standard a été prescrit par un pharmacien.
- Les vaccins adjuvantés et à haute dose (Efluelda et Fluad) peuvent actuellement aussi être prescrits par les pharmaciens (sans remboursement), ce qui réduit l’accessibilité à ces vaccins, tant financièrement qu’au niveau de leur disponibilité. Sachant que le nombre de ces vaccins disponibles en Belgique est insuffisant pour couvrir les groupes cibles recommandés par le CSS (l’Efluelda est en rupture de stock depuis le 16/10), nous pensons qu’un contrôle strict par les médecins de leur utilisation est indispensable pour permettre la vaccination des personnes qui en ont le plus besoin.
- Il existe un conflit d’intérêt dans le chef des pharmaciens qui prescrivent, vendent et administrent. Ce conflit d’intérêt a été à l’origine, à juste titre, de l’interdiction faite aux médecins de vendre les médicaments qu’ils prescrivent. Pourquoi les pharmaciens peuvent-ils prescrire et vendre ces vaccins, alors que les médecins ne peuvent pas délivrer les vaccins qu’ils prescrivent afin de pouvoir les administrer directement au patient en face d’eux ?
… mais les médecins ne sont pas autorisés à stocker les vaccins contre la grippe pour simplifier le « parcours » patient
S’il est essentiel d’accroître autant que possible le taux de vaccination, et que la vaccination en officine y participe, le fait d’autoriser les médecins généralistes à stocker les vaccins antigrippaux (et idéalement les vaccins adultes les plus courants) dans leur cabinet y contribuerait certainement bien plus encore.
1. Le système actuel n’est pas plus sûr et transparent :
Actuellement, s’il souhaite être vacciné par son médecin, le patient doit se rendre en pharmacie pour acheter le(s) vaccin(s) prescrit(s) par son médecin. Par comparaison aux conditions très aléatoires de transport et de conservation par les patients (et à l’incertitude quant au fait que le vaccin sera réellement administré), le stockage des vaccins par les généralistes (dans un frigo équipé d’une sonde homologuée) apporte au contraire bien plus de garanties de sécurité … et la certitude de leur administration.
De surcroît, selon les retours du terrain, les données de vaccination émanant des pharmaciens ne semblent toujours pas être consultables en temps réel via les logiciels de médecine générale.
2. L’adaptation du système actuel donnerait une cohérence à la politique de santé publique :
Les généralistes stockent déjà dans leur cabinet les vaccins faisant partie des programmes de vaccination de l’ONE (commandés via eVax) & de Kind en Gezin (commandés via VaccinNet).
Autoriser les généralistes qui le souhaitent à stocker tous les vaccins adultes permettrait une lisibilité pour les patients du travail effectué par leur médecin traitant, a l’instar de ce qui se fait déjà pour les enfants, et un réel accroissement du taux de vaccination auprès des groupes cibles devant être vaccinés en priorité mais également auprès de la population adulte en général, où la méfiance vaccinale est de plus en plus présente.