
Ce « Grain Ă moudre », publiĂ© le 19/12/2025, est un billet d’humeur issu des rĂ©flexions du Dr Lawrence Cuvelier, prĂ©sident du GBO/Cartel, mis en forme par le Dr Axel Hoffman. Il tĂ©moigne des opinions personnelles de leurs auteurs (et n’engagent qu’eux), sans nĂ©cessairement reflĂ©ter la position du GBO/Cartel.
Fini de fignoler ! Voici enfin LA solution pour lutter contre les déserts médicaux : le médecin généraliste d’oasis.
« Former un spécialiste en médecine générale en 8 ou 9 ans, quelle perte de temps ! Nous sommes en pénurie, alors soyons sérieux, qu’on leur donne un diplôme après 6 ans d’études et qu’on les envoie sans délai dans nos déserts médicaux, il n’en manque pas ! Et puis ça fera de la place pour former encore plus de spécialistes qui exerceront utilement dans nos belles et grandes villes. »
LĂ je m’emporte, il ne l’a pas dit exactement comme ça Ă l’AssemblĂ©e nationale française, ce spĂ©cialiste Élu de la Nation, mais l’idĂ©e est lĂ Â : finie la spĂ©cialisation en mĂ©decine gĂ©nĂ©rale, retour Ă l’époque de la piĂ©taille et des fantassins mĂ©dicaux pour combler les trous. En fait, pour lutter contre la pĂ©nurie et les dĂ©serts mĂ©dicaux que les facultĂ©s et les politiques ont eux-mĂŞmes contribuĂ© Ă crĂ©er. On solde la MG ! L’histoire de la mĂ©decine nous apprend pourtant qu’il fut un temps oĂą on faisait des Ă©tudes complètes pour devenir mĂ©decin gĂ©nĂ©raliste tandis que les moins douĂ©s et les manuels Ă©taient relĂ©guĂ©s en chirurgie. Mieux vaut en rire mais je comprends celui qui estime que c’est plutĂ´t Ă pleurer, tant est pathĂ©tique la mĂ©connaissance du mĂ©tier de gĂ©nĂ©raliste et de son apport, non seulement dans le grand public mais aussi au sein des facultĂ©s. Â
Il est plus que temps que toutes les forces de la médecine générale, en Belgique comme dans toute l’Europe, s’unissent pour promouvoir une défense légitime de notre métier.
La désertification est un phénomène universel, même en Grande-Bretagne qui pour une fois ne se démarque pas de l’Union européenne. Le pays de sa Gracieuse Majesté (homme ou femme, c’est toujours une Gracieuse Majesté) souffre aussi d’un manque consternant de généralistes dans les régions les plus déshéritées, situation corsée par une très grande difficulté pour un généraliste diplômé de pouvoir s’installer. So Britisch ! Et comme si cela ne suffisait pas, le NSH, service national de santé, a en outre créé de fortes inégalités dans l’accès aux soins des personnes défavorisées, ce qui n’était pas le cas il y a quelques décennies. Pour ne pas terminer sur une note optimiste, signalons enfin une perte de qualité des soins, sans qu’on puisse faire un lien avec une tendance à la baisse des pratiques indépendantes au profit des pratiques salariées.
Pas glamour
Ne faudrait pas s’interroger sur les causes de cette méconnaissance du métier de généraliste ? En vrac, voici quelques pistes.
En premier lieu, les petites victoires quotidiennes de la médecine générale n’ont pas le même impact médiatique que la parole des Spécialistes et des prouesses de la médecine de pointe. Quand un hôpital remet en fonction une main tranchée, il s’agit d’un exploit remarquable et remarqué qui mérite la une des journaux. A l’autre bout de l’éventail de l’activité médicale, dépister une hypertension, amener un diabétique réfractaire à se soigner ou prendre en charge une maladie chronique sera moins glamour et pourtant ce travail de l’ombre est d’une utilité qui n’est plus à démontrer. Maigre compensation, il sera reconnu … par les experts en santé publique.
En second lieu, on a perdu le mode d’emploi de la médecine générale. Les personnes en bonne santé ont une expérience très épisodique des soins de santé, qui se résume souvent au recours inapproprié aux services d’urgence ou aux conseils du pharmacien. Il en résulte que les soignants et leurs rôles respectifs ne sont pas clairement identifiés jusque vers la cinquantaine. Dans cet optique « utilitariste » l’intérêt de recourir au généraliste manque de visibilité.
Enfin, dans une série de maladies chroniques lourdes, l’intervention du médecin généraliste est partielle ou facultative, par exemple pour les patients en dialyse qui se rendent plusieurs fois par semaine à l’hôpital, ou pour les greffés qui ont besoin de contrôles réguliers. Dans le cas des maladies rares, le généraliste jouera plutôt un rôle de soutien qui est loin d’être négligeable. Mais dans beaucoup d’autres situations, même les cancers, l’exclusion du généraliste se paye souvent d’une perte de qualité dans le soin. Dans la décompensation cardiaque, différentes publications montrent que la collaboration généraliste, cardiologue et infirmière de référence font chuter la mortalité et la morbidité(1).
Bref, à l’heure ou la pub s’infiltre dans chaque espace de la vie, l’image du MG souffre d’un manque de visibilité. Pas étonnant que ce député français la solde. Il est plus que temps que toutes les forces de la médecine générale, en Belgique comme dans toute l’Europe, s’unissent pour promouvoir une défense légitime de notre métier. To make MG great again (MMGGA).

