Organisation de la première ligne de soins et multidisciplinarité, subsidiarité

En finir avec l’émiettement

Conformément à ce que nous écrivons à propos des maladies chroniques et complexes, la prise en charge des patients lourds, à domicile, deviendra de plus en plus multidisciplinaire et devra même évoluer vers une approche transdisciplinaire. L’émiettement de la première ligne sera remplacé par une collaboration « au lit du malade ». Les patients à problèmes de santé complexes bénéficieront ainsi d’un plan de soins dans lequel chaque soignant apportera son savoir, son savoir-faire et son savoir-être.

Les équipes seront à géométrie variable, via une coordination informatique. Il y aura des prestataires isolés ou en groupes mono-disciplinaires, d’autres seront réunis sous un même toit, ce qui favorise la coordination informelle. Il existera probablement 3 voire 4 modèles organisationnels :

  1. La médecine soliste (à l’acte) aux côtés d’autres prestataires de soins au lit du malade
  2. La médecine de groupe mono-disciplinaire (à l’acte ou peut être new deal) aux côtés d’autres prestataires de soins au lit du malade
  3. La médecine d’équipe multidisciplinaire sous un même toit à l’acte ou New Deal
  4. La médecine d’équipe multidisciplinaire sous un même toit à la capitation

La multidisciplinarité implique de se connaître, de s’évaluer mutuellement, de comprendre les différentes disciplines, leurs caractéristiques, leur complémentarité, leur articulation. Cela permet de protocoler les soins et de répartir les tâches de façon optimale au sein de la première ligne avec comme étoile polaire, la subsidiarité et l’échelonnement des soins

La multidisciplinarité est indispensable pour les soins lourds à domicile qui sont essentiellement  le rôle de la première ligne, soutenu par la deuxième ligne seulement si nécessaire (Cf. “alternative à l’hospitalisation”).

Il faut organiser la formation des prestataires de première ligne pour qu’ils puissent exécuter les actes techniques nécessaires. Une télésurveillance/télé-supervision peut être exercée par la deuxième ligne avec hot line en cas de nécessité d’intervention rapide au domicile.

La question des soins de plaies par les infirmiers révèle la nécessité de structurer la collaboration entre professionnels au sein de la première ligne.

Depuis 2015, les infirmiers peuvent réaliser les soins de plaie sans prescription médicale. En 2023, une adaptation de la nomenclature à ce sujet, régie par la convention infi-mutuelliste, a pour objectif d’améliorer la qualité des soins et la collaboration entre prestataires . L’envoi par l’infirmier d’une photo de la plaie au MG pour avis/consigne/ordre médical, par un service sécurisé RGPD est obligatoire. Le GBO questionne la responsabilité juridique de chaque prestataire dans ce scénario.

Les dix priorités du GBO :

  • Profiter des transferts de compétences aux entités fédérées, inscrits dans le cadre de la 6e réforme de l’Etat, pour mieux organiser la multidisciplinarité au sein de la première ligne et entre les lignes.
  • Penser une organisation de soins sur base d’un découpage plus opérationnel, selon le mode de « Bassins de soins », fonctionnel plutôt que démographique. Les Cercles de MG sont les mieux placés pour imaginer cette réforme, en collaboration avec des experts en santé publique.
  • Mettre en place une Coupole neutre dans le cadre de Proxisante en région wallonne et PSSI en région bruxelloise pour intégrer les coordinations de soins en intégrant les services déjà existants :
    • Services Intégrés de Soins à Domicile (SISD);
    • Réseaux Multidisciplinaires Locaux (RML);
    • Centre de Coordination des Services et Soins à Domicile: CSD, ASD, Soins Chez Soi et formations indépendantes comme ACCOORD.
  • Organiser la reconnaissance des pratiques au niveau fédéral pour stimuler la qualité des prestations et ouvrir des perspectives de prise en charge améliorée de la première ligne par les pouvoirs publics (New Deal, réforme de la capitation, en négociation actuellement chez le ministre Vandenbroucke)
  • Le modèle hospitalier doit être appliqué mutatis mutandis pour la responsabilité partagée. Cela ne pose guère de problèmes pour les structures intégrées sous un même toit. Pour les structures en réseau il faudra définir les responsabilités individuelles et partagées.

Ce sujet est révélateur d’une nécessité de questionner notre collaboration intersectorielle. Si l’on constate qu’à l’heure actuelle chaque profession travaille encore trop en silo, nous plaidons pour une concertation à plusieurs niveaux :

  • Au niveau « micro » nous souhaitons la tenue de GLEM mixtes avec les pharmaciens, les infirmiers, les kinésithérapeutes.
  • Au niveau « méso », au sein d’une zone loco-régionale de première ligne (actuellement SISD), une concertation est souhaitée entre les cercles de MG et les infirmiers pour améliorer la qualité des soins multidisciplinaires. Le GBO soutient la création de cercles d’infirmiers, de kinésithérapeutes, se calquant sur les territoires des cercles de MG, même à terme de cercles pluri-professionnels intégrés.
  • Au niveau « macro », au sein de la PPLW et de la PPLB qui seraient alors les structures faîtières des cercles de toutes les professions, des groupes de travail pourraient s’organiser pour se concerter sur des sujets pluridisciplinaires. Cela permettrait aux soignants de se connaître, de lever des malentendus sur le terrain et d’améliorer les collaborations.

La Plateforme de première ligne wallonne (PPLW asbl) regroupe les fédérations des professionnels de 1re ligne de soins de santé et d’aide de Wallonie (24 organisations). La PPLW rassemble 10 métiers intervenant de façon multidisciplinaire en ambulatoire dans le parcours de vie du patient. Elle vise à promouvoir le décloisonnement des pratiques et une coordination efficiente. Elle intensifie la communication en vue d’établir un partenariat durable et respectueux entre tous les acteurs de soins qui la composent et les citoyens. Elle se veut être un interlocuteur de référence des pouvoirs publics pour tout sujet concernant la 1re ligne de soins.

La plateforme de première ligne bruxelloise (PPLB-BELZ) veut être avant tout un lieu d’échange, de réflexion, de co-construction, de propositions et d’interpellations des parties prenantes dans le champ du social et de la santé. Son principal objectif est de définir une vision commune et partagée de l’organisation d’une première ligne plus accessible et plus efficiente à Bruxelles sur base d’un large consensus et d’éclairer les parties prenantes dans les décisions à prendre pour relever les défis actuels et futurs en matière de santé.