Rémunération : honoraires, 5P’s, rémunération vs temps de travail, conventionnement, suppléments, indexation

Le GBO veut rencontrer les désirs de revalorisation de la rémunération exprimés par sa base.

Contextualisons le problème des revenus des MG : il n’y a pas de revenu juste ou injuste a priori, il y a un revenu perçu comme injuste par rapport à d’autres revenus. Les MG se comparent à d’autres professions indépendantes à moindre niveau de responsabilité et d’investissement d’études, ou encore aux MS qui disposent de revenus en moyenne double des leurs.

De ce point de vue, se mobiliser pour une politique de revenus (nets) qui conduira la moyenne des revenus des MG au niveau de la médiane des MS (ou aux ¾ des revenus des MS) est raisonnable : un écart est acceptable car les MS font plus d’années d’étude et ont une carrière plus courte que les MG. Mais cet écart doit être minimisé.

Idéaliste ?

Notre démarche syndicale ne doit pas empêcher de regarder plus loin. Car « Le courage, c’est d’aimer la vie et de regarder la mort d’un regard tranquille ; c’est d’aller à l’idéal et de comprendre le réel ; c’est d’agir et de se donner aux grandes causes sans savoir quelle récompense réserve à notre effort l’univers profond, ni s’il lui réserve une récompense. » (Jean Jaurès, Discours à la Jeunesse, 1903).

Donc comprendre et même composer avec le réel ne doit pas nous empêcher d’aller à l’idéal. Le GBO/Cartel doit tenir ces deux lignes. C’est ce qui le caractérise depuis sa naissance et qui le différencie de syndicats qui gardent l’œil sur le guidon.

Réforme de la nomenclature

 

C’est l’avis unanime des experts : on observe un trop grand écart de revenus entre la MG et les spécialités mais aussi entre les spécialités elles-mêmes et ces différences ne sont pas justifiées. L’INAMI s’est donc récemment penché sur la réforme de la nomenclature.

La méthodologie actuelle de refonte des actes de la nomenclature se base sur une évaluation à trois dimensions : le temps de l’acte, la complexité de l’acte et l’expertise requise pour l’acte.

Théoriquement, les moyens nécessaires pour réaliser l’acte (personnel technique et infirmier, matériel, instruments, implants) se trouveront dans un autre budget intégré dans le budget hospitalier ou dans un budget de soins de première ligne pour les actes techniques légers. Sur un budget fixe, le rééquilibrage risque de provoquer des baisses du revenu dans certaines disciplines et des hausses dans d’autres.

Problématique : ce qui est prévu actuellement pour les actes techniques légers met en concurrence la première et la deuxième ligne avec un même remboursement. Le GBO propose une division du travail qui supprime l’accès aux actes techniques légers pour les prestataires de deuxième ligne, en miroir de l’interdiction des actes techniques lourds pour la première ligne.

Dans la réforme de la nomenclature, il faudra créer des codes spécifiques à la MG pour les actes nécessitant (on non) une formation/certification spécifique et du matériel (ECG, EFR, POCUS[1], etc.). Par exemple, l’échographie clinique ciblée à orientation diagnostique (Cf. Examens non nomenclaturés en MG) devient une pratique de première ligne reconnue  au plan mondial mais ne dispose pas de certification à ce stade. Il importe d’en intégrer la formation dans le cursus de base et de créer un code pour rémunérer l’acte et amortir l’achat de l’appareil.

[1] POCUS : Le Point-Of-Care Ultrasound (POCUS) est une échographie réalisée par des professionnels de santé directement au lit du patient.

La rémunération du généraliste : PPPPP (5 P’s)

Au-delà de la révision des actes de la nomenclature, c’est tout le mode de financement de la première ligne et de ses acteurs qu’il faut faire évoluer. En effet, le temps n’est plus où seule la consultation et un acte technique éventuel constituaient l’essentiel du revenu du MG. Aujourd’hui l’origine des revenus s’est diversifiée et on en distingue 5 types, les « 5 P »acquis à contre-courant par le GBO/Cartel :

  1. Paiement à la Prestation : c’est le classique paiement à l’acte.
  2. Paiement par Patient (ou « paiement à la capitation », par patient inscrit), intégré dans une démarche de suivi longitudinal et préventif. Exemples :
    • DMG, symbole du rôle central du MG
    • Passeport diabète
    • Trajets de Soins (TDS) pour le diabète, Covid long, et l’insuffisance rénale.
    • Forfait d’une maison médicale (pour la partie « MG »)
  1. Paiement par Prestataire : paiement « à la fonction », pour honorer les tâches et les missions qui ne sont pas financées par les paiements « à la prestation » ou « par patient ». Exemples :
    • Accréditation
    • Prime de pratique intégrée
    • Honoraires de disponibilité
    • Statut social
  1. Paiement à la Pratique. Exemples :
    • Impulseo I (prime à l’installation)
    • Impulseo II et III (financement de l’assistance dans l’accueil et la gestion de la pratique, y compris télé-secrétariat médical)
  1. Paiement à la Performance : le médecin est rémunéré lorsqu’un objectif de santé publique est atteint dans une population soignée définie. Ce paiement a été intégré historiquement dans les pratiques forfaitaires à la capitation en fonction d’économies en deuxième ligne, démontrées à plusieurs reprises par les services actuariels de l’INAMI (Praet/emplit), confirmées par le KCE en 2008 et l’AIM en 2018). Actuellement, les évaluations sont suspendues.
    Le paiement à la performance fait débat essentiellement pour trois raisons :
    • La première est technique : c’est un paiement dépendant de l’attitude des patients. Les médecins risquent d’être pénalisés en raison de facteurs liés à leur résistance. Un tel paiement nécessiterait de pondérer cet écueil par un processus mathématique de standardisation des patientèles, inaccessible à ce jour.
    • La deuxième raison est d’ordre éthique : le médecin risque, par intérêt financier, d’insister trop lourdement auprès du patient afin qu’il change son comportement. Il y a risque de sélection des patients, de tentation de normativité, de transformation de la relation thérapeutique, de corruption de la rencontre authentique et de “désengagement” du prestataire.
    • La troisième est scientifique : les connaissances scientifiques d’aujourd’hui seront peut-être remises en question demain (exemple connu du traitement hormonal de substitution de la ménopause)

On pourrait imaginer un paiement à la performance qui rémunérerait non le résultat mais les moyens mis en œuvre par le MG pour obtenir un objectif de santé public.

Aujourd’hui et demain

Quels sont les 3 types de pratiques/revenus existant actuellement ou à venir ?

  1. Acte : actuellement, environ 92 % des MG travaillent de cette manière et se constituent un revenu composé de 70 à 75% d’actes et de 25 à 30% de divers forfaits
  2. Forfait : ce type de pratique concerne environ 8 % des MG. Historiquement, le paiement des maisons médicales au forfait était composé de 95 % de forfait et de 5% à la pratique (actes techniques). Actuellement, on l’estime à 80 % de « forfait patient » et à 20 % d’actes techniques et de divers forfaits.
  3. New Deal : si cette troisième voie débouche vraiment sur de nouvelles pratiques, il existera 3 modes de paiements de la première ligne. Le paiement du New Deal serait à peu près équilibré 40 % capitation / 40 % acte / 20 % prime.

Le paiement à l’acte d’une part et le système forfaitaire d’autre part doivent continuer à co-exister. La troisième voie du New Deal, mélange des deux systèmes actuels, peut s’envisager mais il ne faut pas oublier que tout système exige une disponibilité suffisante des MG, dans le respect de l’équilibre entre leur vie privée et professionnelle.

À l’avenir, le financement de la première ligne devra prendre en compte l’évolution vers un travail en collaboration multidisciplinaire. Les MG impliquent de multiples disciplines dans leurs pratiques : la collaboration avec un infirmier doit être financée ou, sur un autre plan, on peut envisager de faciliter la consultation d’un psychologue qui est beaucoup plus accessible dans un cabinet de MG, que ce soit par le biais d’un cabinet intégré ou d’un réseau de cabinets multiples (choix à laisser au MG). L’esprit d’entreprise sociale, tant des médecins individuels que de ceux travaillant en groupe, doit également être reconnu.

Enfin, le déploiement du n° 1733 progresse lentement, alors qu’il est crucial pour le bon développement des PMG, tant en semaine que le week-end. Des PMG qui fonctionnent bien et qui bénéficient d’un soutien financier adéquat peuvent déjà faire évoluer l’équilibre de vie des MG.

Problème : pour les structures de première ligne qui emploient du personnel indexé, les sauts et décalages d’index, les indexations tardives et/ou insuffisantes créent des difficultés de trésorerie et de financement qui obèrent leur survie. Séparer le budget honoraire du budget moyens financiers indexés (personnel et matériel) permettrait de résoudre partiellement la question.

La question des suppléments : épineuse

La santé ne peut être un droit (car de nombreux évènements de santé sont aléatoires), par contre les soins de santé sont un droit. Ce droit ne peut pas être entravé par les coûts. Dans ce cadre, les suppléments d’honoraires ne paraissent pas justifiés. On peut rétorquer que les soins de santé sont sous-financés et que seuls les suppléments permettent d’équilibrer recettes et dépenses. Pourtant jamais l’hypothèse d’un échelonnement (très) incitatif n’a été testée (l’échelonnement soft actuel ne peut atteindre son objectif) alors qu’il permettrait des économies substantielles et dégagerait sans doute des ressources suffisantes pour équilibrer les budgets. Actuellement, même les services d’urgence hospitalier réclament un passage chez les MG pour les pathologies mineures !

Proposition : un échelonnement plus incitatif avec passage prioritaire en première ligne réaliserait des économies substantielles et permettrait de revaloriser ce qui doit l’être.

La question du conventionnement / déconventionnement

L’accès aux soins nécessite un système de soins de santé à bas seuil avec un large accès aux tarifs de la convention. Mais l’accessibilité ne signifie pas que tout doit être gratuit et qu’il faille rejeter la possibilité d’un déconventionnement. Le défi consiste à trouver un équilibre entre l’accessibilité pour les patients et la « soutenabilité » financière du système, ce qui passe parfois inévitablement par une contribution …

Propositions du GBO Cartel pour augmenter l’attrait financier de la MG

  • Améliorer les revenus des MG, ajustés en fonction d’un certain nombre de critères comme : durée de l’acte, niveau de complexité de l’acte, stress lié à l’acte, niveau d’expertise, niveau de complexité technique, durée de la formation, etc… La moyenne des revenus des MG doit s’aligner au niveau de la médiane des MS (ou aux ¾ des revenus des MS).
  • Préférer les indexations sélectives aux indexations linéaires des honoraires médicaux
  • Augmenter le montant du statut social
  • Doubler le statut social (sécurité sociale classique) pour les assistants en formation via un deuxième pilier (sommes plus importantes à la pension complémentaire et plus de congés), sans diminuer leur rémunération.
  • Instaurer un congé de paternité rémunéré et aligné sur la durée des congés de maternité
  • Prévoir la défiscalisation de la prime pour les pensionnés actifs afin que le montant réellement perçu soit équivalent à celui du statut social
  • Poursuivre la valorisation des revenus selon la logique des « 5P».
  • Transformer les Trajets de Soins en un statut générique des patients à problèmes complexes (Cf. Maladies chroniques, maladies complexes, trajets de soins)
  • Valoriser le temps de travail non médical (administratif…) rencontrant un intérêt pour la santé publique !

Suggestions en matière d’honoraires proprement dits :

  • Revaloriser le DMG, l’avis, la visite à domicile, la visite en MR/MRS  (chaque contact doit être considéré comme une visite seule).
  • Valoriser l’échographie en MG
  • Prévoir un code euthanasie
  • Prévoir un code consultation longue générique pour le suivi psy : addictions – alcool, cannabis, tabac, burn-out, dépression…
  • Restaurer le code pour les infiltrations et les ponctions articulaires
  • Valoriser le temps administratif (on ne le dira jamais assez) !