
Un accord médico-mutualiste 2026-2027 en mi-teinte mais qui préserve les soins primaires
Flash-info 74/25, publié le 22/12/2025
Après de longues, intenses et difficiles négociations, la Commission Nationale Médico-Mutualiste (CNMM) est finalement parvenue à un accord pour deux ans dans la nuit du 17 au 18 décembre 2025. Cet accord ayant été entériné ce lundi 22/12/25 par le Comité de l’Assurance, puis validé dans la foulée par Conseil Général, il sera donc d’application à partir de ce 1er janvier 2025.
Lors des négociations, le GBO et ses partenaires du Cartel poursuivaient un but très précis : investir dans la médecine générale et les soins primaires afin de préserver et améliorer les performances de notre système de santé. Malgré des ressources budgétaires extrêmement limitées et l’exigence des spécialistes pour une application linéaire de l’indexation, cet objectif a été partiellement atteint puisqu’aucune économie ne sera exigée pour les médecins généralistes accrédités. Le travail intellectuel sera également préservé des coupes budgétaires puisque les consultations, les visites à domicile et le DMG seront indexés de 2,72 %. De plus, des fonds supplémentaires seront alloués aux tâches administratives et contacts à distance effectués par les médecins généralistes.
Si nous vous avions déjà présenté les grandes lignes de cet accord dans notre Flash-info du 18/12/25, il nous semblait important de revenir plus en détails sur les mesures spécifiques à la médecine générale :
1. Indexation : le tarif des consultations, des visites à domicile et du DMG est indexé pleinement à 2,72 %
| Rémunération 2025 | Indexation | Rémunération 2026* | |
|---|---|---|---|
| DMG | 37,79 € | 2,72 % | 38,82 € |
| DMG malade chronique (30-84 ans) | 69,28 € | 2,72 % | 71,16 € |
| DMG malade chronique (> 29 ans et ≥ 85 ans) | 45,66 € | 2,72 % | 46,90 € |
| Visite à domicile | 47,28 € | 2,72 % | 48,57 € |
| Consultation | 32,84 € | 2,72 % | 33,73 € |
* Rémunération 2026 calculée sur base de l’index de 2,72 %, sous réserve de la publication des tarifs officiels par l’INAMI.
2. Contacts à distance : les contacts médicaux non physiques seront financés indirectement dès 2026 (via la PPI 2025), en attendant un mode de financement décidé en concertation pour 2027
La CNMM reconnaît explicitement les efforts actuellement consentis par les pratiques de médecine générale pour garantir la continuité et la qualité des soins aux patients en finançant de façon indirecte les contacts médicaux non physiques.
Pour ce faire, en 2026, 21 millions d’euros seront investis pour soutenir les cabinets de médecine générale. Ce budget sera réparti en fonction du nombre de DMG, et alloué via la prime de pratique intégrée de 2025. Ce budget a pu être trouvé en débloquant les 7 millions d’euros non utilisés par la prime de soutien aux cabinets de médecine générale (infirmier de pratique et gestion du cabinet) et en mettant en place des mesures affectant les médecins non accrédités (dont les honoraires ne seront pas indexés et dont la consultation diminuera de 1,5 €).
Pour 2027, la CNMM prévoit à cet effet un budget de 42,5 millions d’euros. D’ici le 30 juin 2026, elle soumettra une proposition visant à reconnaître le travail du médecin généraliste en dehors des contacts physiques (phono-consultations, avis, etc.). Cette proposition remplacerait les phono-consultations par un système moins exposé à une surconsommation injustifiée, mieux adapté au contrôle budgétaire et à la transparence, et permettant d’éviter toute exploitation commerciale par des médecins n’ayant pas de lien thérapeutique avéré avec le patient.
Le budget alloué a pu être dégagé via les mêmes mesures qu’énoncées pour 2026, auxquelles viendront s’ajouter les 30 millions d’euros initialement affectés aux avis.
3. Réforme de la prime de pratique intégrée et baromètres
« Les conditions d’attribution de la prime de pratique intégrée sont en 2026 les mêmes que celles de l’année 2025. Dans le courant de 2026 les conditions seront évaluées et la CNMM procédera à une réforme en profondeur de la prime de pratique intégrée. On examinera comment scinder cette prime afin qu’une partie du budget reste affectée à la prime de pratique et qu’une autre partie serve à promouvoir la qualité et l’efficience. »
Dans l’attente de la phase définitive de mise en œuvre et d’utilisation de la PSS (plateforme d’aide à la décision pour les prescripteurs en matière de biologie clinique et d’imagerie médicale), la prime de pratique intégrée inclura des indicateurs permettant d’évaluer la prescription de biologie clinique et d’imagerie médicale, indicateurs discutés avec des experts en biologie clinique et en radiologie, en collaboration avec les médecins généralistes.
4. Qualité des soins et outils d’aide à la décision
Des outils d’aide à la décision seront déployés pour la prescription des antibiotiques (lancement prévu en décembre 2025), en imagerie médicale (Q4 2026, comme pilote) ou en biologie clinique. En outre, le réseau Evikey (soutien à la démarche Evidence Based Practice) sera réorganisé au sein du KCE et se concentrera sur l’élaboration de lignes directrices pour la première ligne.
La CNMM examinera et suivra le comportement de prescription en concertation avec la CNPQ pour les éléments suivants :
- poursuivre les prescriptions correctes en matière d’antibiotiques afin que la tendance à la baisse se maintienne ;
encourager l’utilisation des biosimilaires ; - éviter l’utilisation des statines chez les personnes de plus de 80 ans sans comorbidités ni risque cardiovasculaire élevé pour lesquelles, selon les directives en vigueur, il n’existe aucune valeur ajoutée démontrée ;
- limiter l’utilisation des statines en prévention primaire chez les patients sans facteurs de risque cardiovasculaire ;
- éviter le remboursement de certains médicaments (par ex. statines) dans le contexte palliatif (cf. également projet end-of-life) ;
- réduire ou arrêter l’utilisation hors indication des antipsychotiques pour l’insomnie chez les personnes âgées et en cas d’effets indésirables, conformément aux directives ;
- mener des campagnes de soutien les groupes scientifiques de médecins
5. Focus sur la prévention
Dans le contexte actuel de surcharge du système de santé, agir sur la demande de soins par la prévention permettrait de réduire les tensions. Pourtant, alors que les maladies non transmissibles représentent l’essentiel de la mortalité et de la morbidité en Europe, la prévention reste toujours sous-financée, malgré son coût-efficacité avéré.
Le DMG pourrait être un outil puissant de prévention grâce à l’intégration des données relatives aux mesures préventives adaptées à l’âge et au sexe du patient. Comme il reste actuellement sous-exploité, des propositions visant à renforcer et activer le volet de prévention via le DMG devront donc être finalisée en médico-mut pour le 31/12/2026 au plus tard.
6. DMG/DMI et les problèmes structurels liés à sa gestion : facturation, (non-)paiements des DMG, des trajets de soins et du financement par capitation du New Deal
Le rôle pivot que joue le DMG dans notre système de santé (tant en termes de santé publique que comme source de financement) exige que les problèmes suivants soient résolus :
- les médecins généralistes doivent à tout moment pouvoir obtenir de la part des organismes assureurs une liste uniforme et correcte des patients desquels ces médecins généralistes détiennent le DMG, liste qui devra également contenir la communication des paiements effectués. À cette fin, les organismes assureurs se sont engagés à résoudre les problèmes déjà signalés, en concertation avec les médecins généralistes, pour le 31/12/26 au plus tard.
- le changement de détenteur de DMG à l’insu du patient est un problème qui doit être résolu. À cette fin, les partenaires de la médico-mut se sont engagés à réfléchir à un système de notification par lequel la mutuelle enverra un message (SMS, mail, WhatsApp) au patient lorsqu’une demande de modification de détenteur du DMG lui parvient.
- les problèmes structurels au sein du dossier médical informatisé (DMI) sont identifiés : manque de transparence, copies non autorisées, difficultés de correction. Deux groupes de travail sont mis en place afin d’y remédier : l’un chargé des solutions techniques et l’autre de la définition d’une vision claire pour le DMI.
7. Postes médicaux de garde (PMG)
Est pris un engagement à établir un triage rigoureux et complet via le 1733 des soins non planifiés pour que les patients reçoivent plus rapidement les soins appropriés au bon endroit, pour résoudre le problème de l’inadéquation de prise en charge des appels tant en PMG qu’en salles d’urgences. Cette approche intégrée entre les soins primaires et les hôpitaux permettra de prévenir les coûts inutiles, les doublons et l’épuisement des prestataires. Le GBO/Cartel estime qu’il sera alors absolument nécessaire d’élaborer un soutien à la médecine générale pour lui permettre de répondre aux appels déviés par les salles d’urgence. La sensibilisation de la population à l’utilisation adéquate des soins non planifiés sera, elle aussi, organisée.
Le financement des PMG sera maintenu en 2026 et pourra être déployé avec plus de souplesse pour mieux correspondre aux nécessités des terrains locaux. Parallèlement, des réformes et de nouveaux décrets royaux sont en cours d’élaboration pour mettre en place les réseaux de PMG en vue d’une mise en œuvre progressive jusqu’en 2029.
8. Plateforme TRIO (réinsertion des malades de longue durée)
À la demande du GBO/Cartel, un financement de l’utilisation par le généraliste de la plateforme TRIO dans la problématique de la réinsertion en cas d’invalidité de longue durée sera prévu dès que le budget le permettra. Cette mesure sera par ailleurs pleinement intégrée à la réforme de la nomenclature en cours.
9. Trajet de soins palliatifs
Un projet de trajet de soins palliatifs sera préparé en 2026 et 2027. À cet effet, le groupe de travail « End of life » (composé de médecins, d’infirmiers, d’organismes assureurs et d’organisations de patients) présentera un rapport avec des propositions concrètes et réalisables d’ici le 30/06/2026.
10. Concertation entre les deux lignes de soins : premiers pas
« le remboursement de la concertation entre le pédopsychiatre et le médecin généraliste au sujet du traitement ambulatoire d’un patient âgé de moins de 18 ans. Actuellement, seul un remboursement est prévu pour le pédopsychiatre. Dans le courant du présent accord, un remboursement analogue sera également prévu pour le médecin généraliste. Un budget de 761.000 euros est prévu pour cette extension ».
Dans le futur : « on pense également à un cadre plus étendu permettant de ne pas devoir chaque fois prévoir un remboursement distinct pour la concertation entre la première et la deuxième ligne. »
Qu’est-ce qui n’est pas inclus dans cet accord ? Une reconnaissance immédiate du temps long en consultation de médecine générale
Cet accord définit plusieurs orientations importantes qui seront mises en œuvre au cours des deux prochaines années. Un travail considérable reste à accomplir pour mettre en œuvre toutes ces réformes essentielles, en particulier les futures réformes de la nomenclature qui doivent assurer, en principe, la future revalorisation des actes intellectuels.
Le GBO/Cartel regrette en effet que l’accord 2026-2027 n’ait finalement pas permis une reconnaissance financière immédiate du temps long en consultation de médecine générale. Le texte initial de l’accord en négociation prévoyait en effet une rémunération pour les généralistes conventionnés des consultations exceptionnellement longues et/ou complexes par l’application du principe de l’exigence particulière permettant la demande d’un montant supplémentaire adjoint à l’utilisation du code de nomenclature de l’acte. Outre une juste rémunération du médecin pour le temps consacré à ces consultations longues/complexes, l’introduction d’un honoraire spécifique aurait également permis une meilleure accessibilité aux soins pour les patients (actuellement, aucun code ne peut être facturé dans ces cas et donc aucun remboursement n’est prévu).
Malheureusement, en fin de négociation, ce point a été supprimé de l’accord, arguant le fait qu’il devait être discuté dans le cadre de la réforme de la nomenclature, et notamment au sein du GT ACA (actes de consultation et assimilés).
Vu l’épidémie croissante de problèmes de santé mentale, de problèmes consécutifs à la sédentarité et à la malbouffe, la reconnaissance du temps long en consultation est une vraie priorité qui, selon nous, ne pouvait attendre les résultats des discussions au sujet de la réforme de la nomenclature. Nous ne pouvons donc plus qu’espérer que celle-ci acte (enfin !) cette reconnaissance du temps long, sans surcharge administrative, au bénéfice des patients, des médecins et de la santé publique.
Que pense le GBO/Cartel de cet accord ?
Un accord médico-mutualiste est le fruit de jours de négociations pour finalement arriver à un compromis entre les prestataires et les organismes assureurs, après une dernière séance au finish qui s’est terminée au milieu de la nuit.
Cet accord 2026-2027 va bien au-delà d’un simple arrangement financier conclu par défaut pour éviter que les tarifs maximaux ne nous soient imposés par le Ministre : il garantit l’indexation des honoraires médicaux, offre une stabilité des coûts pour les patients et acte pour les deux prochaines années l’engagement pris entre médecins et mutuelles à investir dans les soins primaires, conformément aux objectifs de santé publique (cf. OSS – objectifs en matière de soins de santé validés par le Conseil général de l’INAMI).
Dans un contexte budgétaire extrêmement corseté, il s’agit donc d’un compromis judicieux, tant pour les prestataires que pour les patients, raison pour laquelle le GBO/Cartel encourage les médecins généralistes à rester conventionnés.