vaccination soignat

Article publié le 31/08/2021 par Ariane Peters

Au terme d’un dĂ©bat menĂ© au sein de son bureau et durant lequel les diffĂ©rentes opinons ont Ă©tĂ© partagĂ©es, le GBO a dĂ©cidĂ© de ne pas s’opposer au principe d’obligation vaccinale des prestataires de soins, dĂ©cidĂ© lors du ComitĂ© de concertation du 21/08/2021. Il s’interroge nĂ©anmoins sur certains points d’attention qui, Ă  ce jour, n’ont pas encore Ă©tĂ© clarifiĂ©s.

Le GBO souligne bien entendu la nĂ©cessitĂ© d’atteindre une couverture vaccinale maximale de l’ensemble du personnel soignant mais a toujours privilĂ©giĂ© la promotion de la vaccination contre la COVID-19 des soignants et non l’obligation de celle-ci. Il comprend nĂ©anmoins que les autoritĂ©s fĂ©dĂ©rales belges ont envisagĂ© l’obligation vaccinale contre la COVID-19 pour les soignants dans une dĂ©marche d’intĂ©rĂȘt collectif et de la protection de la santĂ© publique. Il tient cependant Ă  souligner la trĂšs bonne couverture vaccinale des mĂ©decins puisque, selon les Ă©tudes, entre 88,4% (9) et 94% (7) des mĂ©decins sont vaccinĂ©s.

Le GBO demande Ă  l’autoritĂ© fĂ©dĂ©rale de clarifier au plus vite les deux premiĂšres questions ci-dessous :

Quelles sont les mesures contraignantes et sanctions Ă©ventuelles qui devront inĂ©vitablement ĂȘtre implĂ©mentĂ©es pour accompagner cette obligation vaccinale du personnel soignant ?

Le GBO souligne que les modalitĂ©s juridiques nĂ©cessaires Ă  sa mise en application ne sont pas de son ressort mais bien de l’autoritĂ© fĂ©dĂ©rale qui, pour les personnes ayant un statut de salariĂ©, auront Ă  nĂ©gocier avec les syndicats des travailleurs salariĂ©s et les reprĂ©sentants patronaux. Le GBO ne sera donc pas partie prenante des nĂ©gociations concernant les travailleurs salariĂ©s.

Notons cependant que bon nombre de prestataires de soins exercent sous le statut d’indĂ©pendant, qui comme son nom l’indique, sont indĂ©pendants de toute autoritĂ©, hormis celle qui rĂ©git leur profession. Le Conseil national de l’Ordre des mĂ©decins pourrait ainsi intervenir au niveau des mĂ©decins gĂ©nĂ©ralistes et spĂ©cialistes et il pourrait en aller de mĂȘme pour chacune des autoritĂ©s compĂ©tentes des prestataires de soins. Mais cette solution ne solutionnerait pas pour autant la question de la sanction en cas de non respect des rĂšgles Ă©dictĂ©es … Une obligation sans mesures contraignantes n’Ă©tant plus vraiment une obligation, l’autoritĂ© fĂ©dĂ©rale pourraient promulguer un arrĂȘtĂ© royal visant Ă  imposer la vaccination contre la COVID-19 aux prestataires de soins concernĂ©s, avec toutes les consĂ©quences qui s’ensuivent en cas de non respect.

D’autre part, le GBO tient Ă  attirer l’attention sur le fait que ces mesures contraignantes pourraient aggraver des problĂšmes de pĂ©nurie dĂ©jĂ  signalĂ©s pour certaines professions, dans certains services et dans certaines rĂ©gions. Le systĂšme belge ne permettant actuellement pas Ă  l’employeur de supprimer ou mĂȘme diminuer le salaire d’un employĂ© en cas d’écartement, d’aucuns pourraient trouver fort confortable un Ă©cartement de leur pratique, tout en voyant leur salaire maintenu. Le GBO suppose dĂšs lors que les autoritĂ©s mettront en place une systĂšme tel que l’employĂ© Ă©cartĂ© ne bĂ©nĂ©ficiera pas d’un salaire plein garanti de son employeur mais plutĂŽt d’un salaire de remplacement (infĂ©rieur Ă  son salaire plein) visant Ă  les inciter Ă  se faire vacciner pour Ă©viter l’écartement 
 et renforcer l’absentĂ©isme alors que ce secteur affiche dĂ©jĂ  un manque criant de main-d’Ɠuvre qualifiĂ©e.

Quelle sera la définition de « prestataires de soins » qui déterminera les professions/fonctions pour lesquelles la vaccination contre la COVID-19 sera rendue obligatoire ?

Notons que les prestataires de soins légalement reconnus en Belgique sont répertoriés dans la base de données CoBRHA (Common Base Registry for HealthCare Actor) et représentent 579.126 personnes actives : médecins, pharmaciens, dentistes, kinésithérapeutes, ambulanciers, sages-femmes, infirmiers, aides-soignants, professions paramédicales (diététiciens, logopÚdes,
) et de la santé mentale.

Si l’on s’en tient aux professionnels de soins de santĂ© rĂ©pertoriĂ©s en Belgique dans la base de donnĂ©es CoBRHA, une Ă©tude a Ă©tĂ© menĂ©e par Sciensano (8) sur la vaccination COVID-19 de l’ensemble de ces professionnels de soins de santĂ©. Selon cette Ă©tude, 73,5% d’entre eux avaient dĂ©jĂ  reçu une dose de vaccin au 31/05/2021 (seuls 58,3% Ă©taient entiĂšrement vaccinĂ©s). D’importantes variations entre les couvertures vaccinales sont observĂ©es :

  • Selon les 7 catĂ©gories des professionnels de soins de santĂ© rĂ©pertoriĂ©es, les meilleures couvertures (min. une dose) sont atteintes parmi le groupe constituĂ© des mĂ©decins, pharmaciens et dentistes (86,3%), les plus mauvaises Ă©tant observĂ©es chez les sages-femmes (69,5%) et les kinĂ©sithĂ©rapeutes (64,4%).
  • Au sein des diffĂ©rentes rĂ©gions et communautĂ©s : les pourcentages de professionnels de soins de santĂ© ayant reçu au moins une dose ou Ă©tant complĂštement vaccinĂ©s au 31/05 Ă©taient de seulement 64,1|57,3% Ă  Bruxelles, contre 69,1|64,4% en CommunautĂ© germanophone, 73,0|60,8% en Wallonie et 83,4|63,8% en Flandre.

NĂ©anmoins, si l’objectif est de maximiser la protection des patients au travers de la sĂ©curitĂ© des soins et de garantir la continuitĂ© des soins en Ă©vitant l’absentĂ©isme, l’évidence serait alors se baser plutĂŽt sur la notion de « contact patient », ce qui Ă©largirait les personnes concernĂ©es Ă  celles ayant une grande proximitĂ© avec les patients, Ă  savoir le personnel administratif, technique et d’entretien, que ce soit en cabinet, dans les hĂŽpitaux, les MR/S et institutions de soins agrĂ©Ă©es et/ou spĂ©cialisĂ©es, ainsi que tous ceux qui travaillent dans l’accompagnement Ă  domicile du patient (garde-malade, etc).

Les objectifs poursuivis par le principe d’obligation vaccinale sont-ils pertinents dans un contexte Ă©pidĂ©miologique oĂč le variant Delta est largement dominant en Belgique ?

Si l’obligation vaccinale des prestataires de soins a pour objectifs principaux de maximiser la protection des patients avec qui ils sont en contact, et de limiter la contamination des soignants (ainsi que leur absentĂ©isme/Ă©cartement en cas d’infection) dont le rĂŽle crucial dans cette pandĂ©mie n’est plus Ă  dĂ©monter, le GBO s’interroge sur la pertinence de rendre la vaccination obligatoire alors que le variant Delta, actuellement largement dominant en Belgique, prĂ©sente un risque accru de transmission de l’infection par les personnes vaccinĂ©es mais contaminĂ©es par le variant Delta.

Si les Ă©tudes menĂ©es jusqu’ici indiquaient que la vaccination complĂšte avec les vaccins Ă  ARN messager protĂ©geait Ă  plus de 95% (1) des formes sĂ©vĂšres de la maladie et diminuait trĂšs significativement les risques d’infections asymptomatiques (2), et donc la transmission du virus, le risque de contamination par une personne vaccinĂ©e n’était pas nul (3) (4) (5). Une Ă©tude amĂ©ricaine publiĂ©e ce 24/08/2021 (6) indique que l’efficacitĂ© des vaccins Pfizer et Moderna serait passĂ©e de 91% Ă  66% depuis que le variant Delta est devenu largement dominant. Dans ce contexte, la vaccination complĂšte continue Ă  diminuer significativement le risque d’infection (a)symptomatique mais le risque de transmission est devenu singuliĂšrement plus Ă©levĂ© qu’auparavant. Difficile dans ce cas d’invoquer l’obligation vaccinale comme panacĂ©e contre la transmission du virus entre les patients et le personnel soignant.

Un devoir d’exemplaritĂ© et une obligation sociale, morale et Ă©thique ?

Il existe une corrélation certaine entre les taux de vaccination chez les professionnels de la santé et leur volonté de recommander la vaccination contre la COVID-19 à leurs patients.

PlutĂŽt que de parler immĂ©diatement d’obligation et de sanction (et renforcer ainsi une attitude nĂ©gative, de victimisation, voire de prĂ©tendue d’atteinte Ă  leurs libertĂ©s individuelles), ne faudrait-il pas plutĂŽt tabler sur une sensibilisation pĂ©dagogique pour amener les rĂ©calcitrants Ă  une conscientisation et une adhĂ©sion positive au principe ? Et ne leur parler qu’ensuite des Ă©ventuelles sanctions qui pourraient ĂȘtre mise en place pour sanctionner le refus de cette mesure d’intĂ©rĂȘt de santĂ© publique ?

Les libertĂ©s individuelles Ă©voquĂ©e par beaucoup pour s’opposer Ă  la vaccination massive contre la COVID-19 mise en place par les autoritĂ©s fĂ©dĂ©rales et fĂ©dĂ©rĂ©es relĂšvent plus de l’ignorance, de la manipulation et d’un Ă©goĂŻsme empĂȘchant toute possibilitĂ© de vivre ensemble au sein d’une communautĂ©. Il n’est pas de notre ressort de rentrer dans ce genre de considĂ©ration et nous terminerons donc sur quelques citations de circonstances dans un contexte d’immunitĂ© collective :

« La libertĂ© des uns commence oĂč s’arrĂȘte celle des autres », John Stuart Mill

« Le droit est l’ensemble des conditions qui permettent Ă  la libertĂ© de chacun de s’accorder Ă  la libertĂ© de tous », Emmanuel Kant.

« La liberté est conditionnée à la responsabilité et à la solidarité », le GBO

(1) (2) : (1) Nasreen S et al. ; (2) Lopez Bernal J et al. ; (3) Stowe J et al. ; (4) Sheikh A et al. ; (5) Abu-Raddad LJ et al. ; (6) VIDAL Actus, 2 mars 2021 ; (9) Charmet T et al. ; (11) Communiqué de presse Pfizer, 21 avril 2021 ; (12) Haas EJ et al. ; (13) VIDAL Actus, 17 décembre 2020 ; (14) Communiqué de presse AstraZeneca, 25 mars 2021 ; (15) Sadoff J et al. (16) Thiruvengadam R et al. (17) Lopez Bernal J et al.

(3) Les rĂ©sultats d’une Ă©tude publiĂ©e le 24/02/2021 dans le « New England Journal of Medicine » suggĂšrent que le vaccin diminue jusqu’à 90% le risque pour une personne vaccinĂ©e contre la COVID-19 de contaminer une autre personne. Les rĂ©sultats de cette Ă©tude, menĂ©e en IsraĂ«l sur deux groupes de prĂšs de 600.000 personnes, indiquent donc que le vaccin Pfizer/BioNTech limite significativement la transmission du virus.

(4) Pfizer, dans son communiqué de presse du 11/03/2021, confirme que les données rassemblées au cours de la campagne de vaccination en Israël suggÚrent que son vaccin diminue significativement (94%) le nombre de personnes asymptomatiques et a donc un effet direct sur la transmission.

(5) Une Ă©tude de l’IDSA (Infectious Diseases Society of Amercia), publiĂ©e le 10/03/2021 dans le Oxford Academic Press, menĂ©e sur 39.000 patients ayant reçu min. 1 dose de l’un des deux vaccins Ă  ARN messager (Pfizer/BioNTech et Moderna), indique que le risque d’ĂȘtre porteur asymptomatique du virus est rĂ©duit de 80% dĂšs la premiĂšre injection.

(6) Etude HEROES-RECOVER,12/2020-08/2021, 4136 pers. travaillant dans le secteur des soins de santé 1ers intervenants et les autres travailleurs de 1re ligne

(7) S’il n’existe actuellement aucune donnĂ©e chiffrĂ©e du taux de vaccination des mĂ©decins gĂ©nĂ©ralistes, nous pouvons raisonnablement nous baser sur les rĂ©sultats du « Rapport de synthĂšse sur l’attitude des mĂ©decins gĂ©nĂ©ralistes Ă  la vaccination contre le covid-19 (09/2020 – 02/2021) » publiĂ© par Sciensano. La synthĂšse des diffĂ©rentes Ă©tudes menĂ©es 2021 (Étude CHARMING de Sciensano, UAnvers et ULiĂšge – 25-31/01/21, 2356 MG – et l’enquĂȘte sur la position des MĂ©decins GĂ©nĂ©ralistes par rapport Ă  la vaccination COVID-19 de l’ULB (490 MG – 14/01 au 13/02/2021) indique que 92 Ă  94% des MG ont dĂ©jĂ  Ă©tĂ© vaccinĂ©s ou avaient l’intention de le faire Ă  cette Ă©poque.

(8) Rapport de Sciensano sur la surveillance de la vaccination COVID-19 chez les professionnels de soins de santĂ© en Belgique (rĂ©sultats jusqu’au 31/05/2021 inclus).

(9) Couvertures vaccinales « au moins une dose » atteintes au 31 mai 2021 chez les professionnels de santé répertoriés dans la base de données CoBRHA, par profession et région/communauté de résidence et pour la Belgique. Source : Annexe 1 du rapport de Sciensano.