
Non à la version actuelle du projet de réforme de la Loi SSI : le GBO/Cartel veillera à que les droits fondamentaux des médecins soient respectés
Flash-info 32/25, publié le 16/06/2025
Comme nous vous en avions déjà fait part dans notre Flash-info du 11/06/25 (Projet de réforme de la Loi SSI : mobilisation syndicale face à ce qu’on peut appeler un modèle de gouvernance autoritaire), cet avant-projet de loi programme, censé traduire en textes de loi les intentions de l’Arizona, comporte une série de mesures inacceptables en l’état pour le GBO/Cartel. Il nous semblait maintenant indispensable de vous expliquer plus en détails les raisons de notre profond désaccord face à certains points figurant dans ce projet de réforme du Ministre Vandenbroucke.
Nous insistons sur le fait que rien n’est encore fait car ce texte devra suivre une procédure législative bien réglementée avant de pouvoir être publié au Moniteur belge. Le chemin est encore long et les syndicats médicaux feront front pour que les droits fondamentaux des médecins ne soient pas mis de côté, sans négliger pour autant la nécessaire lutte contre la mal practice, les abus d’honoraires, les fraudes et autres charges indues du système de santé que le Ministre présente comme étant ses motivations premières.
Le parcours législatif ne fait que commencer, place à une véritable concertation
La plupart des mesures envisagées par le Ministre Vandenbroucke ne figurant pas dans l’accord gouvernemental, le GBO/Cartel avait rapidement activé ses relais politiques au sein de la coalition Arizona en leur communiquant les points qui lui semblaient inacceptables en l’état, les raisons de ce refus ainsi que ses revendications pour que l’autonomie des prestataires soit respectée dans le plus large espace de solidarité au sein de la sécurité sociale.
Le Ministre a donc été interpellé de toutes parts en plénière à la Chambre ce jeudi 12/06 dernier et semble avoir pris la mesure de l’opposition … au sein-même de son gouvernement.
Une rencontre avec les représentants des syndicats médicaux était par ailleurs prévue à la suite de cette plénière. Durant cette réunion, le Ministre Vandenbroucke a montré une ouverture possible à revenir sur certains points de son projet, sans nous rassurer totalement.
Et maintenant ? Les remarques et revendications des syndicats médicaux seront transmises au Comité de l’Assurance de l’INAMI, où elles seront discutées le 23 juin.
Les représentants du GBO/Cartel se préparent activement à cette réunion qui s’annonce difficile et cruciale alors que ce projet de réforme de la Loi relative à l’assurance obligatoire soins de santé et indemnités menace les droits des médecins et des syndicats, et qu’un nouvel accord médico-mut doit être conclu avant le 31/12/25 pour fixer les tarifs de 2026-2027.
Projet de réforme de la Loi SSI : points jugés inacceptables en l’état et revendications du GBO/Cartel
Ce projet de réforme de la Loi prévoit une série de points inacceptables en l’état pour le Cartel (ASGB – GBO – MoDeS). Parmi ceux-ci, citons, de manière non exhaustive : la possibilité de se conventionner partiellement serait supprimée, les primes de l’INAMI seraient réservées aux seuls médecins conventionnés et tributaires du taux global de conventionnement, les suppléments d’honoraires seraient plafonnés avant que la réforme de la nomenclature et du financement des hôpitaux ait pu être menée à terme, le financement des syndicats médicaux serait conditionné au taux de conventionnement de leurs membres (menaçant le rôle de contre-pouvoir des syndicats), les n° INAMI des médecins pourraient être suspendus ou retirés « pour des raisons autres que le contrôle », sans précisions suffisantes que pour assurer la sécurité juridique des médecins.
Ces différents points, ainsi que les remarques et revendications du GBO/Cartel, vous sont expliqués ci-dessous. Comme vous pourrez le constater, le GBO/Cartel revendique le respect de l’autonomie des prestataires dans le plus large espace de solidarité au sein de la sécurité sociale.
1. La possibilité de se conventionner partiellement serait supprimée
Les médecins devraient désormais choisir entre un conventionnement total ou aucun conventionnement. Si cette mesure a moins d’impact sur la médecine générale ambulatoire, elle risque d’en avoir un très important en médecine spécialisée et dans les hôpitaux.
Par ailleurs, nous tenons à attirer l’attention du Ministre sur le fait que le nombre de médecins partiellement conventionnés, inclus dans le nombre de médecins ayant adhéré à l’accord médico-mutualiste, augmente artificiellement le taux de conventionnement comptabilisé par l’INAMI. Si ce projet ministériel devait se concrétiser et amener certains médecins conventionnés partiellement à se déconventionner intégralement, les pourcentages requis pour maintenir une convention pourraient ne pas être atteints.
Au lieu de supprimer cette alternative au conventionnement total, nous demandons un contrôle plus strict de l’application pratique du conventionnement partiel pour assurer sa transparence. En effet, il faut éviter que le conventionnement partiel ne masque en réalité un déconventionnement total défavorable à l’accessibilité aux soins.
2. Les primes de l’INAMI seraient réservées aux seuls médecins conventionnés et tributaires du taux de conventionnement
Ces différentes primes, regroupées au sein de la prime de pratique intégrée, ont pourtant pour vocation de soutenir le fonctionnement de la pratique des médecins et leur utilisation de e-services, et par là même favoriser l’amélioration de la qualité des soins et de la collaboration interdisciplinaire.
Il est important de connaître la genèse de ces primes forfaitaires annuelles : pour favoriser un soutien à toutes les pratiques (fin de carrière, débutantes, …) et limiter la « course à l’acte », le concept de forfait a été développé. L’argent dévolu à ces primes aurait pu être consacré aux revalorisations des actes pratiqués par tous les médecins. Il est alors inacceptable que ces primes soient limitées aux seuls conventionnés.
Il n’est par contre pas du tout impossible d’envisager que de futures primes, venant de budget extérieur aux actes, puissent être consacrées à la revalorisation des conventions.
Nous demandons une valorisation des avantages liés à la convention sans toucher aux acquis : en effet, le meilleur moyen d’augmenter le taux de conventionnement, n’est-il pas d’avoir une convention plus attractive ?
Par ailleurs, lier ces primes à un accord global est là aussi inacceptable. En cas d’absence d’accord global, ces aides financières disparaîtraient pour tous les médecins, quel que soit leur statut de conventionnement. Ces primes sont des financements antérieurs garantis. Elles ne peuvent disparaître au gré des accords ou désaccords futurs.
3. Les suppléments d’honoraires seraient plafonnés
La fixation des plafonds pour les suppléments d’honoraires, tant à l’hôpital qu’en ambulatoire, pourrait d’ici au 1er janvier 2028 les limiter à 125 % du tarif de base pour les soins hospitaliers et à 25 % en soins ambulatoires.
Ce plafonnement des suppléments serait donc mis en place avant que la réforme de la nomenclature et l’ajustement du financement hospitalier, pourtant essentiels, n’aient pu être menés à leur terme, ce qui est inacceptable ! Que la politique des soins de santé soit vue de façon globale est une demande insistante dans tous les domaines : économies, budgets, réformes.
Par ailleurs, le processus actuel de révision de la nomenclature ne garantit nullement qu’il y aura plus de justice entre la médecine générale et les autres spécialités. Le GBO/Cartel insiste sur la nécessité de soutenir avec force la médecine générale dans cette réforme et plus largement les spécialités comptant essentiellement sur l’acte intellectuel. Depuis des années, nous demandons la prise en compte de la consultation longue, sans succès. La non-reconnaissance du temps long en consultation (psychothérapie, accueil des grands vieillards, des patients lourdement handicapés, en soins palliatifs…), de certains actes techniques (ex. : échographie clinique en médecine générale) et de certaines formations complémentaires coûteuses pousse au déconventionnement.
De plus, la loi autoriserait une entrée en vigueur anticipée de ces plafonds, sans débat parlementaire. Le Ministre disposerait ainsi d’un pouvoir quasi discrétionnaire pour encadrer les honoraires médicaux. Danger ! Le parlement est une garantie de démocratie.
Nous demandons d’attendre les résultats du rééquilibrage structurel entamé dans les négociations de la réforme de la nomenclature (avec un financement adéquat rendant l’adhésion à la convention accessible financièrement pour les prestataires) avant d’envisager toute démarche de plafonnement des suppléments d’honoraires.
Deux remarques essentielles :
- Notons que la pratique des suppléments est une sorte de privatisation partielle des soins qui n’est pas régulée selon le principe d’équité (participer selon ses possibilités, recevoir selon ses besoins). Le GBO/Cartel accepte une régulation de cette pratique, concertée avec la profession, ayant toujours défendu le principe du plus large espace de solidarité dans la sécurité sociale. C’est d’ailleurs pour répondre à l’impératif éthique d’accessibilité aux soins des plus vulnérables que les trois syndicats ont déjà accepté l’interdiction des suppléments pour les patients BIM. Mais cette régulation doit être envisagée dans une vision globale pour ne pas mettre en péril par ailleurs la viabilité de certains hôpitaux et de certaines pratiques ambulatoires.
- Rappelons que l’Ordre prévoit dans son code de déontologie que réclamer des honoraires manifestement trop élevés peut entraîner d’une part des mesures disciplinaires et d’autre part la modération des honoraires par les tribunaux. Les conseils provinciaux peuvent arbitrer en dernier ressort les contestations relatives aux honoraires réclamés par le médecin à son patient.
4. La concertation avec les syndicats médicaux serait mise sous pression
Les années à venir s’annoncent cruciales pour l’avenir des soins de santé tels que nous les connaissons, les dépenses augmentant plus vite que les recettes, la masse des patients chroniques et leur vieillissement, avec une norme de croissance insuffisante vont obliger les partenaires de la médico-mut à devoir faire des économies en maintenant les principes de solidarité. N’oublions pas que le gouvernement actuel ne s’est pas aligné sur les recommandations du Plan, à savoir 3% de norme de croissance.
À cet égard, la convention est un outil incontournable de la négociation. Tel que le projet est présenté actuellement, il présente un risque énorme de déséquilibre dans la négociation.
Nous demandons un respect total du principe de concertation avec les organisations représentatives des médecins.
Par ailleurs, le GBO/Cartel a proposé une réforme qui organiserait, au sein du système de convention, une autre configuration à trois conventions : une pour la MG, une pour la MS et une mixte pour les soins intégrés. Cela permettrait d’implémenter plus facilement des projets favorables à la médecine générale face à une médecine spécialisée plus nombreuse et de facto plus forte.
5. Le financement des syndicats médicaux serait conditionné au taux de conventionnement de leurs membres
Nous avons déjà dit tout notre désaccord à cette proposition (cf. notre Flash-info du 13/05/25 : Financement des syndicats lié au taux de conventionnement : non, le GBO n’est pas à vendre !). Cette disposition pourrait annihiler le rôle de contre-pouvoir des syndicats médicaux et faire perdre la confiance des membres dans leurs organisations représentatives.
Nous refusons que le financement des syndicats médicaux dépende du taux de conventionnement des prestataires.
Mais nous rappelons aux médecins que la véritable indépendance d’un syndicat ne peut provenir que du soutien massif des médecins qu’il représente (via leurs cotisations et leur engagement).
Ce que les syndicats réclament à l’INAMI est le juste prix de leurs prestations effectuées dans son cadre : honoraires de consultance (pour la participation aux travaux, débats et négociations) et de médiation (relai centripète et centrifuge avec les prestataires individuels).
6. Les n° INAMI des médecins pourraient être suspendus ou retirés
Il ressort de cet avant-projet de Loi que le Ministre aurait désormais le droit de suspendre ou retirer le n° INAMI d’un médecin, l’empêchant ainsi de facturer des prestations à l’assurance maladie obligatoire. La note explicative précise en effet que « Le Roi (ndlr : entendez, le Ministre) est habilité à fixer des modalités pour l’octroi, l’utilisation et le retrait d’un numéro INAMI pour des raisons autres que le contrôle. ». L’amende administrative pourrait être assortie d’une suspension du n° INAMI de la part des juridictions administratives.
S’il nous parait logique que le n° INAMI puisse être retiré aux prestataires ayant perdu leur Visa d’exercer, le texte actuel ne précise pas le type d’infractions qui pourraient entraîner une suspension ou un retrait du n° INAMI. S’il est légitime de vouloir légiférer pour suspendre l’activité de charlatans ou de fraudeurs avérés à grande échelle, nous veillerons à ce que ces raisons ne puissent en aucun cas s’appliquer à des déviances de bonnes pratiques ne faisant pas l’objet d’indicateurs bien déterminés.
Nous demandons une sécurité juridique pour le praticien : si nous acceptons que la suspension ou le retrait du n° INAMI va de pair avec le retrait du Visa d’exercer, nous demandons des règles claires pour les suspensions « hors du contrôle ».