Nouveau modèle de financement des PMG : le point sur les (futures) coopérations fonctionnelles

Flash-info 61/23, publié le 11/07/2023

Le lundi 3 juillet 2023, la Commission nationale médico-mutualiste a approuvé à l’unanimité un nouveau modèle de financement des postes de garde de médecins généralistes, qui, à partir de 2025, devrait être attribué aux (futures) coopérations fonctionnelles.

Ce projet d’arrêté royal a été validé par le Comité de l’assurance de ce 10 juillet 2023 et devrait donc faire l’objet d’une publication dans le Moniteur belge dans les prochaines semaines.

Pourquoi les syndicats francophones et le GBO/Cartel en particulier, très à l’écoute des Cercles wallons, les plus réticents à cette réforme, ont-ils marqué leur accord ?

Rappel de quelques principes sur le contexte de l’élaboration de ce projet d’arrêté royal

Pour rappel, l’organisation de la permanence médicale a sensiblement été modifiée par la loi du 22 avril 2019 relative à la qualité de la pratique des soins de santé. Quand le chapitre de cette loi sera entré en vigueur, tout médecin généraliste aura l’obligation de participer à la permanence médicale dans la zone où il exerce sa profession et ce dans le cadre d’une ‘coopération fonctionnelle’ agréée.

En septembre 2020 était publié un arrêté royal relatif aux modalités d’agrément de ces futures coopérations fonctionnelles. Cet arrêté précise notamment que la coopération fonctionnelle doit être organisée sous forme d’ASBL, qu’elle doit couvrir une zone géographique continue et comprendre minimum 3 PMG et 300.000 habitants. Les coopérations fonctionnelles réuniront donc plusieurs postes de garde qui couvriront une zone géographique donnée et assureront la permanence médicale.

Les postes médicaux de garde (PMG, = l’endroit où la permanence médicale sera assurée et qui est enregistré par l’INAMI) existeront donc toujours mais leur financement sera attribué par l’INAMI aux seules coopérations fonctionnelles qui comporteront donc plusieurs PMG.

Sur ces rétroactes, nous vous renvoyons à nos Flash-infos du 31 mars 2022 et du 29 octobre 2021.

Cette nouvelle réglementation reste évidemment inopérante aussi longtemps qu’un cadre financier n’est pas publié : elle pourra donc l’être une fois publié l’arrêté de financement qui a reçu un avis favorable unanime tant en Commission nationale médico-mutualiste le 3 juillet dernier qu’au Comité de l’Assurance de l’INAMI ce 10 juillet 2023.

Que contient cette nouvelle réglementation ?

Il est évidemment impossible de résumer ici dans le détail le contenu du projet d’arrêté de financement.

Mais, dans les grandes lignes, épinglons ceci :

  • Le projet d’arrêté royal détermine quel budget est octroyé aux coopérations fonctionnelles pour financer le personnel d’accueil, le personnel de coordination et d’appui, les voitures avec chauffeur, ainsi que les frais informatiques, opérationnels et d’investissement,
  • Le calcul se basera sur des paramètres qui tiennent compte, entre autres, de la surface géographique et de la population,
  • Le projet d’arrêté royal offre davantage de flexibilité et d’autonomie que l’actuel système de financement des PMG,
  • Il prévoit un mécanisme d’indexation durable et permet une rémunération du personnel en fonction des barèmes IFIC.
  • Les coopérations fonctionnelles pourront également être financées pour la garde en semaine (du lundi au jeudi de 18h à 8h) si elles les organisent (aucune obligation !),
  • Les coopérations fonctionnelles pourront choisir entre 2 systèmes de financement possibles : l’un privilégie les régions peu peuplées en favorisant les visites à domicile, l’autre devrait être choisi par les régions plus densément peuplées, qui devraient opter pour l’ouverture d’un plus grand nombre de plus de postes de garde.

Quid des exigences du terrain, surtout en matière de tri via un 1733 réellement efficace, relayées par les syndicats et le GBO/Cartel en particulier ?

Le 1733 et le tri y afférent, en particulier en nuit noire, fonctionnent mal, et c’est un euphémisme. C’est en effet la nuit noire qui fait l’objet de la revendication essentielle des généralistes wallons. La plupart d’entre eux n’acceptent de se déplacer entre 23h et 8h que pour les constats de décès, les patients en MR/MRS, les soins palliatifs et les grabataires. Ils attendent donc du 1733 un tri selon ces critères.

Le GBO/Cartel se bat depuis des mois pour remédier à la situation et a déjà obtenu des progrès, enregistrés notamment à l’occasion de deux rencontres au Cabinet, les 16 mai et 30 juin dernier, qui ont été obtenus grâce à l’action du GBO/Cartel.

Nous vous renvoyons à ce sujet à nos Flash-infos du 3 février dernier (le GBO/Cartel s’associe au cri d’alarme lancé par les Cercles wallons), 14 février dernier (Gardes et 1733 : cela commence (enfin) à bouger un peu plus en médico-mut), 9 mars dernier (Gestion du 1733 en Wallonie, un scandale : que font les autorités ?), 18 avril dernier (la grogne légitime des généralistes et PMG wallons s’intensifie), 18 juin dernier (1733 : lettre ouverte à la ministre de l’Intérieur et au ministre de la Santé publique) et 29 juin dernier (Les médecins généralistes wallons entendus ?).

C’est dire si le GBO/Cartel se bat pour l’obtention d’un tri, notamment en nuit noire et via le 1733, qui réponde aux besoins des généralistes et de la population.

Heureusement, il est acquis (engagement formel du Ministre) que les coopérations fonctionnelles ne pourront démarrer qu’à la condition préalable que le 1733 soit totalement opérationnel sur l’ensemble du territoire. En réunion de la médico-mut, le GBO/Cartel, comme d’autres syndicats, a évidemment rappelé les gros soucis du (mauvais) fonctionnement du 1733 et de l’absence d’un véritable tri.

Mais force est de constater que le 1733 relève du SPF Santé publique (et partiellement du SPF Intérieur), et non de l’INAMI.

C’est donc dans un groupe de travail ad hoc du Conseil national des secours médicaux d’urgence (qui dépend du SPF Santé publique), qui se réunit ce 11 juillet, que les questions relatives au 1733 et au tri des patients, notamment en nuit noire, seront débattues, et les débats s’avèrent ardus.

Comme les coopérations fonctionnelles ne seront d’application qu’en 2025, cela laisse le temps d’encore d’en discuter et, nous l’espérons, d’arriver à une solution satisfaisante, en particulier pour les Wallons et les Bruxellois.

Pourquoi le GBO/Cartel, comme les 2 autres syndicats, a émis un avis positif sur le projet d’arrêté royal de financement des futures coopérations fonctionnelles ?

#1 Toutes les remarques formulées en médico-mut le 4 juillet dernier ont été consignées dans un avis (à télécharger ici), et sur lequel tous les partenaires de la médico-mut ont marqué leur accord. Ce document a été validé par le Comité de l’assurance ce 10 juillet.

En résumé, la commission nationale médico-mutualiste (CNMM) apprécie :

  • L’effort budgétaire important de 22 millions d’euros (portant le budget actuel des PMG – hors honoraires médicaux – à 58 millions d’euros dans le cadre des coopérations fonctionnelles qui intègreront les PMG, les Wallons étant – de loin – les plus grands bénéficiaires de cette majoration du budget),
  • Que le projet d’arrêté royal établisse une gestion plus souple des budgets alloués,
  • Qu’un comité d’accompagnement soit créé en vue de garantir l’application et la mise en œuvre correctes de l’arrêté royal.

Toutefois, la CNMM souhaite formuler les points d’attention suivants en ce qui concerne le projet présenté.

  • La CNMM insiste pour qu’une étude soit lancée par l’INAMI, en collaboration avec le SPF Santé publique, afin de charger un certain nombre d’experts universitaires de cartographier l’accessibilité géographique des coopérations fonctionnelles pour les patients, sur la base de délais de réponse raisonnables.
  • La CNMM souligne que le modèle de financement proposé tient compte d’une ancienneté moyenne de 10 ans pour le personnel salarié. La CNMM souhaite qu’une analyse de l’ancienneté réelle du personnel salarié soit effectuée et que, le cas échéant, le modèle de financement soit affiné.
  • Au sein de la CNMM, des accords seront conclus concernant la tarification des prestations par les coopérations fonctionnelles. Cette concertation s’inscrira dans une approche plus globale dans laquelle la problématique de la transparence du paiement des rémunérations des DMG sera également abordée.
  • La CNMM estime qu’il est souhaitable de prévoir une fonction de coordination médicale au sein de la coopération. Comme cette problématique concerne les honoraires médicaux, elle sera discutée en même temps que la rémunération de la présence permanente des médecins au sein de la coopération. Les discussions sur ce sujet débuteront en septembre prochain en vue de son intégration dans l’accord national médico-mutualiste.
  • La CNMM juge nécessaire de lancer une vaste campagne d’information après l’approbation de l’arrêté royal, et vise à garantir des conseils sur le lancement et la mise en œuvre des coopérations.
  • Enfin, la CNMM souligne les problèmes qui subsistent actuellement en ce qui concerne le fonctionnement du numéro d’appel 1733. L’arrêté d’agrément prévoit que les coopérations doivent adhérer au système 1733 dans la mesure où il est opérationnel dans la région. La CNMM souhaite que les problèmes existants soient traités de manière urgente et approfondie. Elle prend acte des concertations en cours à l’initiative du ministre. Il s’agit notamment d’envisager une éventuelle imposition de certains protocoles de triage médical contenus dans le manuel de régulation médicale belge.

#2 Parmi les points positifs, le GBO/Cartel retient surtout :

  • L’augmentation du budget est considérable et ce sont surtout les Wallons puis les Bruxellois qui en profiteront. Ainsi pour les gardes de week-end (rappelons que la garde de semaine n’est pas obligatoire et que peu de PMG wallons l’ont demandée), dans les 2 scénarii, il y a une majoration totale du budget de 29,5% pour le pays ! (De 38,8 M€ à + 58,3 M€)
  • Flexibilité dans la gestion des budgets alloués, transfert possibles entre les rubriques, dépassement de 10% toléré pour chaque rubrique budgétaire à condition que ce dépassement soit couvert par une sous-utilisation d’une enveloppe budgétaire prévue pour une autre rubrique budgétaire : tout cela n’existe pas dans le financement des PMG actuels
  • Attribution des barèmes IFIC pour le personnel employé et intégration des coopérations fonctionnelles dans la commission paritaire 330.01
  • Une réflexion sur la rémunération des médecins sera également lancée dans le cadre des prochaines négociations médico-mut qui débuteront après les mois d’été
  • Instauration d’un comité d’accompagnement (mutuelles et syndicats) chargé de la préparation et du suivi des budgets des coopérations fonctionnelles agréées : sorte de réhabilitation de l’ancien GT ‘Gardes’ de l’INAMI
  • Évaluation du modèle de financement après une période de transition de 3 ans.

Ceci justifiait, sans aucun doute, le positionnement du GBO/Cartel qui a émis un avis favorable sur ce projet d’arrêté royal qui, dans tous les cas, ne sera pas mis en œuvre aussi longtemps que les problèmes du 1733 et du tri n’auront pas été solutionnés.